Avant longtemps, Ottawa pourra de nouveau boucler ses budgets avec de modestes déficits, sans pour autant augmenter la part relative de la dette et compromettre la santé des finances publiques.

Avant longtemps, Ottawa pourra de nouveau boucler ses budgets avec de modestes déficits, sans pour autant augmenter la part relative de la dette et compromettre la santé des finances publiques.

Et ce pourrait même être souhaitable en certaines circonstances.

«Nous avons d'abord eu comme objectif de réduire le déficit à zéro. Puis nous remboursons la dette jusqu'à ce qu'elle représente seulement 25% du produit intérieur brut (PIB). En la gardant à ce niveau par la suite, Ottawa pourra créer de légers déficits», explique en entrevue à La Presse Craig Wright, vice-président principal et économiste en chef de RBC Banque Royale.

Dans son budget présenté mardi, le ministre des Finances Jim Flaherty prévoit que le ratio de la dette fédérale sur le PIB sera inférieur à de 25% dès 2011-2012, si Ottawa parvient à réaliser ses prévisions budgétaires d'ici là.

Pour les trois prochains exercices, la barre reste élevée cependant.

Le ministre table sur des surplus de 2,3, 1,3 et 3 milliards seulement, sans créer de réserve de 3 milliards pour les en-cas, comme la pratique le voulait depuis une dizaine d'années.

Dans l'hypothèse où il gagne son pari, pourquoi créer de légers déficits de nouveau? "Après ces efforts, nous pourrons en récolter tous les dividendes. On pourrait réduire davantage le fardeau fiscal", croit M. Wright.

La concrétisation d'un tel scénario suppose cependant une augmentation de la productivité. «C'est la clé», affirme sans ambages M. Wright. À long terme, elle assure le maintien ou la hausse de notre niveau de vie.

Des pays membres de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), le Canada est parmi ceux qui imposent le plus les revenus de ses citoyens.

L'amélioration des finances publiques permet de remédier quelque peu à ce désavantage à condition de ne pas réduire les taxes sur la consommation, comme l'ont fait les conservateurs à deux reprises depuis qu'ils forment le gouvernement.

«Ce sont des pas dans la mauvaise direction», croit M. Wright qui rejoint ainsi l'opinion de la très grande majorité des économistes.

Il est d'avis que le Canada est très bien placé pour absorber le choc du ralentissement de l'économie américaine cette année. Comme le gouvernement fédéral, il mise sur une croissance de 1,7% cette année, mais de 1,2% pour le Québec et de 0,9% seulement pour l'Ontario, la plus exposée des provinces aux difficultés de notre voisin.

Avec les mesures d'incitation fiscale, le marché du travail très tendu, un pouvoir d'achat accru, les consommateurs feront leur part tout comme les entreprises qui en profiteront pour se moderniser en important machines et équipements.

Mercredi, Statistique Canada semblait lui donner un peu raison. Les investissements publics et privés en immobilisations devraient bondir de 6,8% cette année pour atteindre les 250,1 milliards.

Le secteur manufacturier pourra ainsi mieux s'outiller pour faire face à la concurrence mondiale, accrue par la vigueur de notre monnaie. M. Wright prévient que d'autres licenciements seront nécessaires pour maintenir, voire augmenter les volumes produits. Tel est le coût humain à court terme des gains de productivité.

Les exportateurs ne sont pas au bout de leurs peines cependant, à cause du ralentissement américain, très propice aux velléités protectionnistes.

M. Wright croit toutefois qu'une fois passée la rhétorique électorale présente où même l'Accord de libre-échange nord-américain est remis en cause par les candidats démocrates, la raison prévaudra.

«Le commerce est maintenant ce qui contribue le plus à la croissance des États-Unis, rappelle-t-il. Il fait contrepoids à la crise du marché de l'habitation.»

Optimiste, M. Wright estime en outre que les exportateurs canadiens pourront souffler quelque peu. Le prix des produits de base devrait fléchir quelque peu tandis que la faible inflation permettra à la Banque du Canada d'abaisser son taux directeur.

En fin d'année, cela devrait avoir ramené le huard près des 90 cents US d'équivalence.

Cela devrait aider au bout du compte le ministre des Finances à boucler son budget.