Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y avait pas de ruée hier midi, rue Amelot, dans le 11e arrondissement de Paris, pour contempler les modèles offerts par Renault.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y avait pas de ruée hier midi, rue Amelot, dans le 11e arrondissement de Paris, pour contempler les modèles offerts par Renault.

Quelques vendeurs erraient dans la grande salle d'exposition du concessionnaire ou pianotaient sur leur ordinateur, attendant l'improbable client.

«Globalement, les ventes ont baissé. Mais il y a toujours des besoins», a commenté Stéphane Bousboa, vendeur de 34 ans spécialisé dans les véhicules d'occasion.

Le mois d'octobre, dit-il, est traditionnellement toujours un peu lent. Mais le déclin a été nettement plus marqué cette année en raison de l'impact, ne serait-ce que psychologique, de la crise financière.

Nombre d'acheteurs potentiels ont décidé d'attendre. Et ceux qui vont de l'avant se montrent plus exigeants. «Les gens sont plus agressifs. Ils savent qu'ils vont faire une bonne affaire», souligne M. Bousboa, qui dit se tirer correctement d'affaire malgré tout.

Son optimisme contraste avec l'attitude des grands constructeurs du secteur de l'automobile français, qui ont décidé il y a quelques semaines de donner un brutal coup de frein à leur production par crainte de se retrouver avec trop d'invendus.

La crise financière et la récession qui frappe la zone européenne entraînent une chute dramatique des ventes, en France et ailleurs. Les analystes projettent que la baisse globale des ventes sur le continent sera de 17% au dernier trimestre et de 8% pour l'ensemble de l'année en cours, soit un million de véhicules de moins qu'en 2007.

La réduction de la production s'accompagne de plans de mises à pied qui pourraient entraîner la disparition de plus de 30 000 postes. Sans compter celles qui toucheront les sous-traitants de l'industrie.

Le constructeur français Renault avait déjà annoncé l'été dernier son intention de renvoyer 6000 personnes, dont 4500 dans l'Hexagone. Et son PDG, Carlos Ghosn, n'exclut pas d'autres ponctions, les perspectives pour 2009 n'étant pas encourageantes.

«Nous n'avons pas encore vu le pire. Même si la crise financière est jugulée, les conséquences d'un affaiblissement de la demande sur les emplois vont désormais se faire sentir», a-t-il déclaré.

Peugeot-Citroën, deuxième constructeur en importance en Europe, fait preuve du même pessimisme. La plupart de ses chaînes de production tournent désormais à régime réduit.

En plus de revoir leur production et de sabrer dans la main-d'oeuvre, les constructeurs multiplient les demandes d'aide étatiques.

Ils réclament un plan de crédit de 60 milliards de dollars, qui ferait en quelque sorte écho aux prêts à taux privilégiés récemment accordés par Washington aux grands constructeurs américains.

Contrairement à leurs homologues outre-Atlantique, nombre d'entreprises européennes du secteur conservent de confortables marges bénéficiaires. C'est le cas, notamment, de Renault et Peugeot, qui projettent des bénéfices de plusieurs milliards de dollars pour 2008.

Ces prévisions n'ont pas échappé aux syndicats et aux formations politiques de gauche du pays, qui multiplient les manifestations et les blocages d'usine pour souligner leur désapprobation face aux mises à pied annoncées.

La secrétaire nationale du Parti communiste français, Marie-Georges Buffet, s'en est prise récemment à ce sujet au PDG de Renault: «Le paiement des dividendes aux actionnaires sera assuré - Carlos Ghosn leur a promis 6% - tandis que les salariés seront sacrifiés, mis au chômage technique boursier.»

La politicienne réclame que l'État prenne une part accrue du capital de l'entreprise pour obtenir une minorité de blocage lui permettant d'empêcher les congédiements.

Le gouvernement n'a manifesté aucune volonté en ce sens. Fin octobre, le président français Nicolas Sarkozy a plutôt annoncé en grande pompe un «plan de mobilisation pour l'emploi» pour faire face «aux situations difficiles qui vont se présenter».

Il prévoit notamment des contrats de transition professionnelle qui pourraient s'appliquer au personnel du secteur de l'automobile touché par les réorganisations en cours.

Le plan a été rapidement dénoncé par les opposants du politicien parce qu'il prévoit peu d'investissements nouveaux de la part de l'État.

«On est capable de dégager des centaines de milliards d'euros pour aider les banques, mais on fait peu pour la crise économique et rien du tout pour la crise sociale», a déploré l'ex-premier ministre socialiste Laurent Fabius.