Le Québec est bien préparé pour encaisser le ralentissement économique, mais hier, la ministre Monique Jérôme-Forget n'a pu garantir qu'il serait à l'abri d'une récession, l'an prochain.

Le Québec est bien préparé pour encaisser le ralentissement économique, mais hier, la ministre Monique Jérôme-Forget n'a pu garantir qu'il serait à l'abri d'une récession, l'an prochain.

«Le Québec s'est bien positionné pour traverser la situation actuelle. Est-ce que je peux donner la garantie? On a qu'à regarder ce qui se passe un peu partout, on ne peut pas donner de garantie», a soutenu hier la ministre lors de la mise à jour de la situation financière du gouvernement.

À la veille du déclenchement des élections, Mme Jérôme-Forget a annoncé un surplus imprévu de 484 millions de dollars pour 2007-2008. «C'est peut-être l'occasion de parler du double fond de la sacoche», a-t-elle ironisé. Ce surplus porte à 2,3 milliards la réserve dont elle dispose pour arriver à des budgets équilibrés cette année, mais aussi au printemps prochain, prédit-elle. Une bonne partie de cet excédent vient des taux d'intérêt plus bas que prévu, a-t-elle reconnu.

En cette période de crise financière, la ministre tenait à calmer le jeu, soulignant que bien des connaissances, inquiètes, lui avaient téléphoné pour être rassurées quant à l'avenir de leur retraite. Depuis deux semaines, les indices, à New York comme à Toronto, sont en hausse de 20%, a-t-elle insisté.

Cette réserve sera utilisée cette année et l'an prochain; 1,2 milliard pour 2008-2009 et 1 milliard l'an prochain pour maintenir le déficit à zéro. Québec maintient une réserve de 200 millions, et devra faire face à une compression de 75 millions à la suite de la revue du calcul de la péréquation annoncé lundi par le gouvernement fédéral.

Infrastructures

La croissance économique est considérablement revue à la baisse: il y a six mois, Mme Jérôme-Forget prédisait 2% de croissance en 2009. Or, sa prévision passe à un maigre 0,6%. Ce sera 0,8% de croissance cette année, une douche froide par rapport aux 2,4% de l'an dernier. Depuis 1960, il y a eu seulement six années où le taux de croissance a été inférieur à 1%, rappellent les fonctionnaires des Finances.

De la croissance cette année et l'an prochain, 0,4% tient au lancement du programme de réfection des infrastructures, déclenché après l'effondrement du viaduc de la Concorde.

Ce programme d'infrastructure sera accéléré, promet-elle. Québec y injectera davantage que les 13 milliards prévus cette année, une annonce qui tombera en pleine campagne électorale.

Pour aider les contribuables et les entreprises, Québec annonce une série de mesures, qui coûteront 81 millions cette année et 331 millions en 2009-2010.

Les sommes restent modestes compte tenu de l'ampleur de la crise, convient Mme Jérôme-Forget. «C'est une approche ponctuelle, pour ne pas arriver avec des mesures échevelées qui apportent des distorsions importantes.» Le gouvernement verra si des mesures supplémentaires sont nécessaires, pour l'heure, «c'est juste ce qu'il faut pour apporter un correctif, maintenir la route», dira-t-elle.

Ainsi, Québec fait passer de 1500 à 2000$ l'an le crédit d'impôt pour revenus de retraite, et fait passer de 71 à 73 ans l'âge où les contribuables sont tenus de puiser dans leur REER.

Pour le critique financier de l'ADQ, Gilles Taillon, le portrait brossé par la ministre pèche par excès d'optimisme, et les mesures sont insuffisantes. "Les 81 millions de cette année, c'est moins que les 85 millions que vont coûter les élections", a lancé M. Taillon.

La mesure la plus coûteuse, 136 millions sur une pleine année, était prévisible. On annonce tout de suite l'indexation des tables d'impôts pour 2009, une annonce reprise chaque année depuis 2002, qui touche l'ensemble des 4,3 millions de contribuables. «Pour cette année, cela représente 5$ par personne, ce sera 30$ l'an prochain. Un "Joyeux festin" cette année et un souper au McDo pour la famille l'an prochain», a dit, lapidaire, M. Taillon.

Réserve fictive

Pour le critique financier du PQ, François Legault, la fameuse «réserve» de Mme Jérôme-Forget, est fictive. Cette année, les dépenses excèdent les recettes de 2,1 milliards. L'an prochain, ce sera 1,1 milliard de dépenses excédentaires.

Québec accorde aussi, annonce la ministre Jérome Forget, l'indexation complète aux bénéficiaires de l'aide sociale aptes au travail -ils n'étaient indexés qu'à 50% jusqu'ici. La mesure coûtera 35 millions sur une pleine année.

Pour les fonctionnaires des Finances, il importe de préserver la confiance des consommateurs québécois. Le ralentissement aux États-Unis frappe durement le Québec qui exporte 50% de sa production.

Pour les entreprises, Québec autorise Investissement Québec à garantir 1 milliard de prêts supplémentaires aux entreprises -une mesure de 82 millions- pour contrer le resserrement du crédit.

En Chambre, la chef du PQ, Pauline Marois, s'en est prise au premier ministre Charest qui s'était engagé à ce que l'énoncé de Mme Jérôme-Forget fasse l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale.

Mme Jérôme-Forget a aussi indiqué que la croissance des dépenses, qui sera de 4,4% cette année, sera ramenée à 3,2% l'an prochain. Pour l'Association des établissements de santé et de services sociaux, cette diminution risque de se transformer en 300 millions de coupes pour le réseau de la santé. En 2008-2009, la croissance du budget de la santé avait été de 5,5%.