Le milieu d'affaires québécois est déçu de la décision du premier ministre Jean Charest de se désister au dernier moment d'une mission commerciale en Chine avec ses homologues provinciaux, pour cause de fortes rumeurs d'élections.

Le milieu d'affaires québécois est déçu de la décision du premier ministre Jean Charest de se désister au dernier moment d'une mission commerciale en Chine avec ses homologues provinciaux, pour cause de fortes rumeurs d'élections.

Cette mission de quatre jours, qui commence mardi prochain à Pékin, est aussi soudainement dépouillée de toute représentation ministérielle du Québec, même le ministre du Développement économique, Raymond Bachand.

«C'est dommage qu'aucun membre important du gouvernement québécois ne soit de cette mission commerciale. D'autant plus qu'en Chine, il est très important que le plus haut personnage d'un gouvernement accompagne les dirigeants d'entreprise de sa région qui veulent développer des affaires avec des partenaires chinois», a indiqué Jean-Luc Trahan, président de l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Québec.

Johnson à la rescousse

Par ailleurs, l'annonce hier par le cabinet de M. Charest de l'envoi de Pierre Marc Johnson, ex-premier ministre devenu avocat d'affaires et consultant international, comme chef de mission substitut en Chine, suscite une réaction mitigée.

«Confier une telle mission à un ex-premier ministre sera peut-être rassurant du point de vue des Chinois. Mais ça reste à voir. Il faut espérer que l'absence du premier ministre ou d'un ministre du gouvernement ne nuira pas aux projets des entreprises québécoises en Chine», a indiqué Jean-Luc Trahan.

Au Conseil du patronat du Québec, qui regroupe les grandes entreprises, on est aussi déçu du désistement tardif du premier ministre Charest de la mission commerciale en Chine.

D'autant plus que le principal motif -le déclenchement imminent d'élections- est une décision politique peu populaire à ce moment-ci parmi les dirigeants d'affaires.

«Ça aurait été préférable que le premier ministre ou un ministre important accompagne cette mission en Chine», a commenté Michel Kelly-Gagnon, président du Conseil du patronat.

«Mais au moins, dans ce soudain contexte préélectoral, le choix d'un ex-premier ministre (M. Johnson) pourrait s'avérer un compromis acceptable», a-t-il ajouté.

Constat semblable à la direction québécoise de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), qui regroupe des centaines de PME. «La décision de M. Charest nous apparaît surtout une question de programme politique, sans considération économique en ce qui nous concerne», a dit Marie Vaillant, directrice médias à la FCEI, pendant un bref entretien.

Mauvais timing

Par ailleurs, au Conseil du patronat, Michel Kelly-Gagnon appréhende que le désistement tardif de Jean Charest de la mission commerciale en Chine entache ses efforts précédents pour "agrandir l'espace économique" du Québec.

«Le gouvernement Charest a fait progresser des dossiers de commerce extérieur, avec l'Ontario notamment, ainsi que le projet de libre-échange avec l'Europe», selon M. Kelly-Gagnon.

La mission commerciale en Chine survient aussi à un moment où le Québec fait face à un son déficit commercial croissant avec ce pays.

Ce déficit d'exportations vers la Chine par rapport aux importations avoisine maintenant les 5,5 milliards de dollars par année, comparativement à 3,3 milliards il y a cinq ans.

D'ailleurs, confronté à un même défi commercial en Ontario, le premier ministre Dalton McGuinty s'est rendu dès cette semaine en Chine pour y mener une mission de gens d'affaires ontariens.

Il rejoindra ensuite ses homologues provinciaux mardi prochain à Pékin.

Surprise à Toronto

Entre-temps, le désistement soudain de Jean Charest et ses ministres a aussi surpris le principal organisateur de la mission de premiers ministres provinciaux en Chine. Il s'agit du Conseil commercial Canada-Chine, plus important regroupement de grandes entreprises canadiennes actives dans ce pays.

Le Conseil comprend des dirigeants d'entreprises comme Bombardier, SNC-Lavalin et Power Corporation, ainsi que la Financière Manuvie, la Banque Royale et la Banque de Montréal. Il compte aussi des dirigeants de grandes firmes d'avocats qui participent activement à des contrats internationaux.

La mission commerciale en Chine se prépare depuis des mois entre le Conseil commercial Canada-Chine et le Conseil de la fédération, le regroupement de premiers ministres créé à l'instigation de Jean Charest.

À quelques jours du début de mission, hier, on a été surpris au siège social du Conseil commercial, à Toronto, d'apprendre le désistement soudain du premier ministre Charest.

«Nous ne sommes pas au courant. Qui vous a dit ça?» a demandé le directeur des affaires publiques du Conseil, Victor Hayes, à un appel de La Presse Affaires en mi-journée hier.

C'était pourtant 24 heures après que M. Charest eut confirmé aux médias québécois son absence de la mission en Chine, mais avant l'annonce du choix de Pierre Marc Johnson comme chef de mission substitut.

La Presse a fait une demande de réactions au Conseil commercial Canada-Chine hier. Elle était toujours sans réponse en début de soirée hier.

En fait, sa directrice générale, Sarah Kululakos, est déjà en Chine pour régler les derniers détails de la mission de quatre jours de la semaine prochaine.