En adoptant dimanche soir une série de mesures d'urgence pour injecter des liquidités dans les marchés interbancaires et pour éviter la faillite de la banque d'affaires Bear Stearns, la Réserve fédérale américaine entend rétablir les liens d'affaires entre ceux qui détiennent des capitaux et ceux qui en ont besoin.

En adoptant dimanche soir une série de mesures d'urgence pour injecter des liquidités dans les marchés interbancaires et pour éviter la faillite de la banque d'affaires Bear Stearns, la Réserve fédérale américaine entend rétablir les liens d'affaires entre ceux qui détiennent des capitaux et ceux qui en ont besoin.

Cette crise du crédit, marquée par la méfiance, tire son origine dans les prêts hypothécaires, mais a fait tache d'huile dans tout le système financier.

Tentons d'y voir clair.

Qui est Bear Stearns?

Bear Stearns fait partie des grands courtiers (primary dealers). Il s'agit d'un groupe de 20 banques américaines et internationales qui traitent directement avec la Réserve fédérale américaine pour entretenir le marché des bons du Trésor.

Ces titres sont émis toutes les deux semaines par la Fed et servent à financer la dette américaine.

Pourquoi Bear Stearns était-elle plus en difficulté?

À la différence d'une banque conventionnelle, Bear Stearns n'a pas de déposants. Elle tire ses profits à même le développement de ses affaires. La crise actuelle paralyse ses activités, mais ses obligations contractées demeurent entières.

Parmi les grands courtiers qui font affaire avec la Fed, quatre autres sont des banques d'affaires: Merryl Lynch, Morgan Stanley, Lehman Brothers et Goldman Sachs. Elles sont fragilisées par la crise actuelle. On s'attend à ce qu'elles annoncent d'importantes radiations plus tard cette semaine.

Qu'a fait la Fed d'extraordinaire dimanche?

Trois choses.

Elle a d'abord annoncé qu'elle abaissait de 25 centièmes le taux auquel elle prête aux banques en difficulté. Le taux d'escompte a ainsi été ramené à 3,25%, soit à peine 25 centièmes de plus que le taux cible auquel elle souhaite que les banques se prêtent entre elles pendant un jour.

C'est la septième fois qu'elle abaisse ce taux depuis le mois d'août. L'écart entre le taux cible et le taux d'escompte était alors d'un point de pourcentage: 6,25% contre 5,25%.

Ensuite, la Fed consent à prêter au taux d'escompte aux grands courtiers, un privilège jusque-là réservé aux banques avec activités de dépôt. Elle élargit en outre la gamme de titres qu'elle accepte en garantie de prêts.

Sont désormais inclus tous les titres portant une note de crédit BBB, A, AA et AAA. Il y a une semaine, la Fed avait indiqué qu'elle acceptait pour la première fois les titres AAA non gouvernementaux.

La Fed étend aussi jusqu'à trois mois la durée de ses prêts au taux d'escompte, plutôt que 30 jours jusque-là.

Enfin, la Fed participe directement au sauvetage de Bear Stearns en prenant dans ses livres les éléments d'actifs douteux de Bear Stearns. Il y en a pour 30 milliards. Jamais la Fed ne s'était montrée aussi disposée à prendre de tels risques.

JP Morgan ne prend pas le risque. Elle assure seulement les activités de contrepartie de Bear Stearns, de sorte que ses clients pourront être servis.

La Fed va-t-elle trop loin?

Certains le pensent, mais ils sont en minorité. Dans le sauvetage de Bear Stearns, les grands perdants sont ses actionnaires qui y laissent presque toutes leurs mises.

La Fed fait ainsi payer ceux qui sont responsables du risque de l'entreprise. Elle évite surtout l'effet domino qu'aurait entraîné la faillite de la banque. Le design du sauvetage évite aussi qu'on interprète qu'on ne peut être que gagnant, quel que soit le risque pris.

La Fed peut-elle agir encore?

Oui. Elle peut encore abaisser son taux directeur. Elle le fera énergiquement encore dès aujourd'hui. Elle peut injecter davantage de liquidités en assouplissant encore les conditions auxquelles elle joue son rôle de prêteur ultime.

La direction de la Fed doit éviter de répéter sa conduite de la crise du crédit durant la Grande Dépression qui avait entraîné la faillite de milliers de petites banques et aggravé la contraction de l'économie. Voilà pourquoi elle est disposée à injecter tant d'argent pour remettre la machine en marche.

Quand la Fed pourra-t-elle dire: mission accomplie?

Lorsque les détenteurs de capitaux seront à nouveau disposés à les prêter à ceux qui en ont besoin. Quand la méfiance aura fait place à la confiance. Cela va exiger encore des purges dans le système financier.

Certains pensent que nous traversons le coeur de la tempête. Après, il faudra panser les plaies. Cela exige de la part des acteurs sur le marché du calme et du temps.