Critiquée de toutes parts, vilipendée même aux États-Unis, son principal marché, l'industrie pétrolière canadienne admet qu'elle a failli à la tâche sur le plan de relations publiques et qu'elle doit maintenant faire du rattrapage.

Critiquée de toutes parts, vilipendée même aux États-Unis, son principal marché, l'industrie pétrolière canadienne admet qu'elle a failli à la tâche sur le plan de relations publiques et qu'elle doit maintenant faire du rattrapage.

«On n'a pas fait une bonne job avec le public, on était trop occupés à développer nos projets. On veut corriger ça.»

Celui qui parle est Marcel Coutu, président et chef de la direction de Canadian Oil Sands, un des plus importants producteurs canadiens de pétrole. Il a délaissé temporairement les grosses affaires qu'il brasse à Calgary pour faire la tournée des médias.

M. Coutu et ses collègues qui gagnent leur vie en extrayant le pétrole contenu dans les sables bitumineux de l'Alberta trouvent que le discours public est à sens unique et ils veulent faire entendre leur voix plus souvent.

Mais avant, ils veulent écouter ce que la population a à dire. C'est dans ce but qu'ils ont lancé un site internet (www.sablesbitumineuxcanada.ca). «On veut savoir quelles sont les priorités du public et répondre aux questions qu'il se pose», dit Marcel Coutu.

L'industrie est déjà prête à répondre aux principales critiques qui lui sont adressées. Par exemple, les terres dévastées par l'exploitation des sables bitumineux ne sont pas différentes de celles délaissées par toutes les autres activités minières, souligne M. Coutu.

À la fin l'activité d'une mine, ces terres peuvent être réhabilitées et elles commencent à l'être en Alberta. Sur l'emplacement des premiers gisements, qui ont 30 ans, la forêt repousse, dit-il.

L'industrie pétrolière utilise de grandes quantités d'eau, reconnaît Marcel Coutu, mais cette eau est réutilisée dans les processus d'extraction. «L'industrie dans son ensemble n'utilise pas plus de 1% de l'eau de la rivière Athabasca», assure-t-il.

Gaz à effet de serre

Il reste les émissions de gaz à effet de serre produites par l'extraction du pétrole albertain, qui sont de loin le principal reproche adressé à l'industrie. Les Américains, qui achètent 18% de toute la production albertaine, menacent même de bannir de leur territoire ce «pétrole sale».

En Alberta, personne ne s'inquiète de ça, même si, récemment, le candidat démocrate Barack Obama et les maires des États-Unis se sont joints au concert des opposants au pétrole canadien.

«Les États-Unis sont en campagne électorale, alors il y a un peu de folie là-dedans», commente Marcel Coutu.

Selon lui, compte tenu de la rareté croissante du pétrole sur la planète, les Américains ne pourraient faire autrement que de continuer de s'approvisionner au Canada. «S'ils choisissent de l'acheter ailleurs, il faudrait tenir compte du fait que le transport du pétrole sur de longues distances émet aussi des gaz à effet de serre», précise-t-il.

L'autre argument qui fait que l'industrie pétrolière n'a pas à s'inquiéter de perdre le marché américain, c'est que ce qui sort des raffineries est souvent un mélange de pétrole conventionnel et de pétrole tiré des sables bitumineux. «Il est impossible de savoir avec précision la composition d'un baril de pétrole», explique-t-il.

Cela dit, Marcel Coutu, comme toute l'industrie, croit qu'il est possible de faire plus pour réduire les émissions liées à la production de pétrole. Mais la taxe sur le carbone proposée par le chef libéral Stéphane Dion n'est pas la bonne solution, selon lui.

Si le but est de réduire les émissions, une taxe doit cibler les principaux émetteurs. Contrairement à la croyance populaire, l'activité pétrolière, soit l'extraction du pétrole des sables bitumineux, le raffinage et le transport vers les marchés, émet deux fois moins de GES que la consommation d'essence par les véhicules en tous genres.

Toute taxe qui épargne le consommateur final peut faire gagner des votes à un politicien, mais elle ne fera pas grand-chose pour réduire les émissions, estime le PDG de Canadian Oil Sands.

L'industrie, dont les coûts de production tournent autour de 45$US, n'a jamais été aussi rentable avec un baril de pétrole qui se maintient à plus de 130$US sur le marché. Elle est prête à faire plus, dit Marcel Coutu, qui reconnaît que c'est dans son intérêt d'investir dans la protection de l'environnement.

Cela dit, il ne comprend toujours pas pourquoi les Canadiens ne sont pas plus fiers de leur industrie pétrolière. «C'est une industrie (les sables bitumineux) qu'on a inventée. Si elle était aux États-Unis plutôt qu'en Alberta, les Américains en seraient très fiers et ceux qui y travailleraient seraient des héros.»