Le Québec pourra-t-il se priver de pétrole dans 25, 30 voire 50 ans? C'est tout à fait possible, croit le chercheur Patrick Déry, mais il faudra alors muscler le développement de l'hydroélectricité et des éoliennes et surtout, être moins gourmand en énergie.

Le Québec pourra-t-il se priver de pétrole dans 25, 30 voire 50 ans? C'est tout à fait possible, croit le chercheur Patrick Déry, mais il faudra alors muscler le développement de l'hydroélectricité et des éoliennes et surtout, être moins gourmand en énergie.

D'ici 2030, il faudrait consommer 12% moins d'énergie qu'aujourd'hui et augmenter de 67% les sources d'énergie renouvelables que sont l'hydroélectricité, les éoliennes, l'énergie solaire et la biomasse, conclut l'étude de Patrick Déry.

Concrètement, un tel objectif signifierait 2,5 fois plus d'éoliennes en 2030 que ce qui est déjà prévu pour 2015. Il faudrait aussi de nouveaux barrages hydroélectriques de 400 mégawatts de plus par année (l'équivalent du barrage Sainte-Marguerite 3 à tous les deux ans).

Autrement dit, un Québec sans pétrole aurait certes moins de gaz carbonique, mais davantage de rivières aménagées et de paysages peuplés de tours d'éoliennes.

Un Québec sans pétrole signifierait aussi une utilisation plus grande des transports collectifs et le besoin d'une solution de remplacement concrète aux moteurs à explosion qui alimentent nos voitures: huiles pyrolytiques, éthanol cellulosique, électrification des voitures, etc.

«L'année 2030, ça nous donne suffisamment de temps pour renouveler le parc automobile», soutient Patrick Déry.

Pour mesurer l'ampleur des défis d'un Québec sans pétrole, Patrick Déry a d'abord estimé la quantité totale d'énergie qui sera nécessaire en 2030. Cette énergie - toutes sources confondues - est mesurée en tonnes équivalent pétrole (TEP).

Actuellement, le Québec consomme l'équivalent de 42 millions de TEP. En faisant l'hypothèse que l'économie croîtra de 1,5 à 2% par année d'ici 2030, le chercheur a estimé que notre consommation d'énergie pourrait atteindre 57 millions de TEP en 2030.

Ce niveau de consommation suppose que l'efficacité énergétique progresserait au même rythme qu'au cours des dernières années.

Selon l'étude de Patrick Déry, toutefois, ces 57 millions de TEP seraient encore trop imposants pour se priver de pétrole, compte tenu d'une croissance raisonnable des autres formes d'énergie.

L'idéal serait d'atteindre l'objectif de 37 millions de TEP en 2030, ou 4,5 TEP par habitant, soit un taux semblable à celui des Allemands (4,2 TEP par habitant).

En 2030, ces 37 millions de TEP correspondraient à une diminution de 12% de la consommation réelle d'énergie par rapport à aujourd'hui, mais de 35% par rapport aux 57 millions de TEP envisagés.

Daniel Groleau, directeur général du Conseil régional de l'environnement (CRE) du Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui a commandé l'étude, convient que l'indépendance pétrolière en 2030 suppose un objectif ambitieux d'économie d'énergie.

«Le défi est grand, mais il y a encore beaucoup de place au Québec pour l'efficacité énergétique et la diminution de la consommation d'énergie», dit-il. M. Groleau mentionne notamment un meilleur aménagement des villes, des maisons construites plus efficacement et une utilisation plus judicieuse du transport.

Patrick Déry abonde dans son sens. «C'est ambitieux, mais avons-nous le choix? Il faut prendre de telles décisions avant de se les faire imposer»dit-il.

L'analyste ajoute que l'élimination progressive du pétrole touche essentiellement le transport. Or, le seul remplacement des moteurs à explosion permettrait une grande économie.

Les moteurs à explosion ont un taux d'efficacité de seulement 25%, dit-il, comparativement à quelque 70% pour l'électricité.

«Il s'agit d'un vaste projet de société, qui deviendra un enjeu crucial au cours de prochaines décennies», fait valoir Daniel Groleau.