C'est devenu une routine: la Réserve fédérale (Fed) et les autres grands banquiers centraux ont encore sorti hier de leur arsenal de puissants nouveaux outils dans le but de briser l'embâcle qui assèche tout le secteur financier.

C'est devenu une routine: la Réserve fédérale (Fed) et les autres grands banquiers centraux ont encore sorti hier de leur arsenal de puissants nouveaux outils dans le but de briser l'embâcle qui assèche tout le secteur financier.

Invoquant «des circonstances exceptionnelles et exigeantes», la Fed s'engage désormais aussi à acheter le papier commercial de première qualité émis tant par des institutions financières que par des entreprises comme GE, premier émetteur au monde. Ces titres de trésorerie sont émis sur un horizon d'un à six mois pour financer des affaires courantes.

«Le marché du papier commercial subit un stress considérable depuis quelques semaines car les fonds communs du marché monétaire et d'autres investisseurs, eux-mêmes aux prises avec la rareté des liquidités, sont de plus en plus réticents à en acheter», précise la Fed dans le communiqué faisant part de l'annonce.

Le nouveau fonds d'achat de papier commercial adossé ou non sur des actifs (Special Purpose Vehicle, ou SPV) sera financé par le Trésor américain. Il fera un dépôt à la Fed de New York dont le montant n'a pas été précisé.

Cette nouvelle dette de Washington s'ajoute au plan de rachat d'actifs toxiques des banques de plus de 700 milliards US voté la semaine dernière par les banques. Ni le Trésor ni la Fed n'ont indiqué l'ampleur ou la durée du SPV.

«Pour la première fois de l'histoire, la Fed devient le prêteur de dernier ressort des entreprises et des administrations locales, prenant plus que jamais des risques de crédit», estime Sherry Cooper, économiste en chef chez BMO Marchés des capitaux.

«La création du SPV est un pas important pour éviter que les États-Unis ne soient complètement à court de crédit», renchérit Clément Gignac, stratège et économiste en chef à la Financière Banque Nationale.

Émettre du papier commercial est devenu de plus en plus difficile depuis la faillite de Lehman Brothers à la mi-septembre et la méfiance accrue des fonds communs du marché monétaire, traditionnellement de gros acheteurs.

Selon des données publiées par la Fed, le marché a foulé de 94,9 milliards US la semaine dernière, après avoir rapetissé de 61 milliards US la semaine précédente. Bref, à mesure qu'une émission arrive à maturité, il devient plus difficile de la refinancer.

Entreprises et banques dont le crédit est bien noté par les agences pourront donc cogner à la porte de la Fed pour se financer à court terme.

La Fed a aussi convenu avec les banques centrales d'Europe, de Suisse, d'Angleterre et du Japon de mises aux enchères de 450 milliards US d'ici la fin de l'année. Ces prises en pension s'ajoutent aux marges de crédit de 900 milliards US offertes par la Fed aux autres banquiers centraux afin d'augmenter l'offre de dollars américains.

La Banque du Canada ne participera pas à ces enchères, ne le jugeant pas «nécessaire à l'heure actuelle». Elle ne paraît pas disposée non plus pour l'instant à imiter la Fed en achetant du papier commercial directement des émetteurs, financiers ou autres.

Cependant, elle a comme prévu procédé à des prises en pension d'une valeur de 4 milliards US pour lesquelles elle obtiendra un rendement moyen de 3,74%.

Les pressions se font par ailleurs grandissantes sur les banquiers centraux pour une offensive concertée de baisse des taux directeurs. On spécule à qui mieux mieux sur l'ampleur de l'allègement. Aux États-Unis, les parieurs à Chicago estiment à 100% la probabilité d'une baisse d'au moins 50 centièmes du taux directeur américain déjà très bas à 2%, d'ici le 29 octobre.

Ils ont été aiguillonnés par la décision-surprise de la Reserve Bank of Australia qui a ramené le sien de 7% à 6%. Les experts s'attendaient à une baisse de 50 centièmes seulement.

Les administrations municipales et étatiques font aussi pression sur le Trésor américain pour qu'il vienne à leur rescousse. Après la Californie, c'était au Massachusetts de déplorer l'augmentation rapide de ses coûts d'emprunt. Ces financements sont essentiels pour payer enseignants, pompiers ou policiers.

L'action des banquiers centraux, bien qu'énergique, ne suffira d'ailleurs pas à elle seule à ramener la confiance des investisseurs et des institutions financières entre elles. Il faudra aussi que plusieurs États mettent l'épaule à la roue.

La rareté du crédit touche sûrement les ménages. En août, soit avant la rapide détérioration actuelle, le crédit à la consommation a baissé de 7,9 milliards US aux États-Unis. Il s'agit de la chute la plus forte à ce jour.

Assurément, la crise financière mord dans la consommation des ménages plus encore que la flambée des prix de l'essence au printemps.