L'individu qui représente le groupe de victimes n'a pas un sou à verser, mais il ne s'investit pas moins. Et il retire énormément de son expérience.

L'individu qui représente le groupe de victimes n'a pas un sou à verser, mais il ne s'investit pas moins. Et il retire énormément de son expérience.

La cause d'un recours doit être présentée par l'intermédiaire d'une victime typique: c'est le requérant, dont le cas symbolise et exemplifie les préjudices subis par l'ensemble du groupe. Les volontaires ne se bousculent pas. «Pourtant, ils jouent un rôle social essentiel, insiste Me Stéphanie Poulin, d'Option consommateurs. Sans eux, on est incapable de mener le dossier.»

Le requérant n'aura pas un sou à débourser, mais il lui faudra consacrer temps et énergie à la cause. Paie-t-il le prix de son dévouement? «Je ne me souviens pas d'un cas qui ait regretté l'expérience», affirme l'avocat François Lebeau, du cabinet Unterberg, Labelle, Lebeau.

Ce n'est pas Lorraine Brunelle qui va le contredire. En 1997, elle travaillait depuis 30 ans chez Greenberg quand la chaîne de magasins à rayons a fait faillite et a fermé ses portes sans payer toutes les vacances et autres avantages dus à ses quelque 4000 employés. Acheteuse pour la chaîne, Mme Brunelle a accepté d'être la requérante du recours. «Je n'étais pas sûre de pouvoir le faire mais avec Me Lise Labelle, avec qui j'ai travaillé en étroite collaboration, ça a été un charme, affirme-t-elle. On a étudié les dossiers ensemble. J'ai rencontré le président du Fonds d'aide aux recours du Québec, l'avocat de la partie adverse, je suis allé à la Cour avec eux. J'ai vécu une expérience exceptionnelle.»

Même la confrontation avec l'avocat de l'entreprise lui a laissé de bons souvenirs! «Il m'a dit : «Pourquoi intentez-vous un recours collectif, Mme Brunelle? On a dit qu'on vous paierait!»«, raconte-t-elle. L'avocat lui a alors montré une lettre qui assurait les employés qu'ils recevraient ce qui leur était dû. «Je la lui ai rendue de la main droite et j'ai tendu la gauche en disant: «Où est mon argent, monsieur?» S'il avait eu des fusils à la place des yeux, je ne serais plus là pour en parler.» Mais elle est encore là, toujours aussi vive, et elle en rit encore.

Le recours contre Greenberg a été autorisé en mai 1998, et le règlement a été approuvé par le tribunal le 7 juin suivant.

Avant 2003, le requérant devait joindre à la requête en autorisation une déclaration sous serment sur la véracité des faits allégués, ce qui autorisait un contre-interrogatoire par les avocats des intimés. Depuis janvier 2003, cette déclaration n'est plus requise, ce qui exempte le requérant de cette épreuve, à moins que le juge en ait accordé la permission. Le requérant pourra cependant être appelé à témoigner pendant l'examen du bien-fondé de l'action. Lorraine Brunelle s'y était préparée avec son avocate, mais ce ne fut pas nécessaire. «J'ai beaucoup appris!» assure-t-elle. «Ça demande des efforts. Mais regretter? Jamais!»