La crise du crédit risque de faire une nouvelle victime: les agences de cotation de crédit, qui sont dans le collimateur de la Securities and Exchange Commission (SEC) depuis un mois.

La crise du crédit risque de faire une nouvelle victime: les agences de cotation de crédit, qui sont dans le collimateur de la Securities and Exchange Commission (SEC) depuis un mois.

Selon le Wall Street Journal, le gendarme des marchés boursiers américains annoncera aujourd'hui une réforme de la réglementation des agences de notation comme Moody's et Standard & Poor's, qui évaluent le niveau d'endettement des entreprises inscrites en Bourse.

Selon le quotidien financier, la SEC permettra dorénavant aux fonds de marchés monétaires - ceux-là mêmes qui contenaient du PCAA, l'instrument financier vedette de la crise du crédit - de faire fi des cotes de crédit de Moody's et Standard&Poor's. Actuellement, les fonds de marchés monétaires doivent s'en tenir aux obligations à court terme prisées par les agences.

Il s'agit de la deuxième sortie de la SEC contre les agences de cotation de crédit ce mois-ci. Le 11 juin dernier, l'organisme fédéral américain a proposé une réforme de leurs règles en matière de transparence et de conflits d'intérêts.

Pourquoi la SEC s'intéresse-t-elle tant aux agences de notation? Parce que les investisseurs se basent sur leurs cotes afin d'évaluer le niveau d'endettement des entreprises inscrites en Bourse. Comme les profits anticipés ou les parts de marchés, les cotes de crédit influencent le cours d'un titre boursier.

Le professeur de finance Alan White estime toutefois que l'importance des décisions des agences de cotation de crédit sur les marchés boursiers est exagérée. Selon lui, les investisseurs sont plus rapides que les agences. Quand ces dernières modifient la cote d'une entreprise inscrite en Bourse, les facteurs ayant mené à cette décision ont déjà été pris en considération par les marchés boursiers.

«La plupart des études concluent que les marchés boursiers réagissent plus rapidement que les agences de cotation, dit Alan White, professeur de finances à l'Université de Toronto. Les agences n'aiment pas changer la cote de crédit d'une entreprise en Bourse. Elles ont tendance à attendre le plus tard possible et elles la changent seulement si c'est vraiment nécessaire.»

Selon Vincent Delisle, l'impact des décisions des agences de cotation de crédit sur les marchés boursiers est difficile à cerner.

«Ce n'est jamais une bonne nouvelle pour une entreprise inscrite en Bourse de voir sa cote de crédit se détériorer, dit Vincent Delisle, stratège boursier chez Scotia Capital. Pour une entreprise lourdement endettée comme Quebecor World ou AbitibiBowater, l'impact en Bourse est immédiat. Pour une entreprise comme Jean Coutu, l'impact est minime. Ça dépend aussi des circonstances: est-ce que l'entreprise emprunte pour payer l'épicerie ou pour des projets de développement?»

Imparfaites, mais nécessaires

Malgré leurs imperfections, les agences de cotation de crédit sont nécessaires au bon fonctionnement des marchés boursiers, estime le professeur Alan White. «Les agences font épargner beaucoup de temps aux investisseurs en calculant les cotes de crédit à leur place», dit-il.

Quant à leur rôle dans la crise du crédit, le professeur de finance est plus nuancé que certains investisseurs qui les tiennent carrément responsables de la crise. «Les agences n'ont pas toujours eu accès à l'information exacte de la part des entreprises, dit Alan White. Dans d'autres cas, les agences ont effectivement mal évalué le niveau d'endettement de certains produits financiers complexes.»

«Au fond, est-ce vraiment la faute des agences? se demande Alan White. Les banques créent des produits financiers complexes et elles veulent obtenir de bonnes cotes de crédit. Elles font évaluer leurs produits et font des changements jusqu'à ce qu'ils obtiennent la cote de crédit désirée. Les banques et les agences jouaient au chat et à la souris. C'est fatigant, mais c'est comme ça et je ne suis pas sûr que ça va changer. Au fond, la crise du crédit a surtout démontré une chose: que tous les intervenants pensaient uniquement à faire de l'argent...»

Qu'elles soient ou non les seules responsables de la crise du crédit, les agences de notation pourraient bien passer dans le collimateur de la SEC - au même titre que les comptables après les scandales financiers de Enron et WorldCom. La SEC songe notamment à encadrer les services-conseils offerts par les agences de cotation.

«Le premier rôle des agences est d'octroyer des cotes de crédit, dit Vincent Delisle. Si tu es là pour donner une note et que tu vends le plan de match pour obtenir cette note, ça peut avoir l'air d'un conflit (d'intérêts). Il ne faut donc pas s'étonner que le gendarme américain veuille agir.»

Moody's et Standard & Poor's n'ont pas rappelé La Presse Affaires hier afin de commenter les nouvelles initiatives de la SEC.

De l'info financière plus compréhensible

Même avec vos relevés sous les yeux, vous ne comprenez rien à vos placements? La SEC veut vous aider. Hier, le gendarme américain des marchés boursiers a lancé une vaste réflexion sur la compréhension de l'information financière diffusée aux investisseurs.

L'organisme a mandaté l'universitaire William Lutz, à la fois avocat spécialisé en valeurs mobilières et professeur d'anglais à l'Université Rutgers au New Jersey, afin de lui remettre un rapport sur la question avant la fin de l'année. «Cette initiative pourrait vouloir dire moins de formulaires semant la confusion, et enfin de l'information financière utile que les investisseurs peuvent comprendre», a expliqué aux journalistes le président de la SEC, Christopher Cox.