Autrefois, les banques prêtaient l'argent que leur confiaient les déposants. L'écart entre le taux qu'elles leur versaient et celui qu'elles exigeaient des emprunteurs représentait leur profit.

Autrefois, les banques prêtaient l'argent que leur confiaient les déposants. L'écart entre le taux qu'elles leur versaient et celui qu'elles exigeaient des emprunteurs représentait leur profit.

Avec l'abondance toujours grandissante des capitaux, les banques se sont mises à emprunter elles aussi. Elles émettent sur les marchés des notes bancaires ou des obligations d'entreprises à des taux avoisinant en général ceux que rapportent les titres gouvernementaux.

Elles disposent ainsi de beaucoup plus d'argent pour prêter ou développer leurs affaires.

Cela pose toutefois un risque : les banques doivent accroître leurs réserves contre les mauvaises créances. Les maisons de courtage, souvent leurs filiales, d'ailleurs, ont imaginé une solution astucieuse pour réduire leur risque.

Les banques ou leurs filiales de fonds spéculatifs (hedge funds) émettent désormais des titres de dette à court terme.

Ce papier commercial est garanti par leurs créances, ou adossé à des actifs (PCAA), selon l'expression consacrée.

L'amalgame de créances peut inclure des prêts commerciaux, personnels ou hypothécaires, ou des marges de crédit.

Pour attirer l'investisseur, ce papier commercial offre un taux d'intérêt un peu plus élevé que les bons du Trésor émis par le gouvernement.

L'amalgame des créances varie selon l'institution émettrice et reste un secret d'alchimiste bien gardé.

Les banques se retrouvent alors avec de l'argent sonnant et trébuchant, et les investisseurs avec du papier garanti par l'amalgame de créances. Les risques de prêts défaillants se retrouvent ainsi aux mains des détenteurs de PCAA.

À l'échéance, souvent trimestrielle, le détenteur a le choix d'exiger le remboursement de son titre ou de le renouveler pour trois mois supplémentaires.

Quand tout baigne, c'est ainsi que ça roule.

Aux États-Unis, toutefois, les prêteurs hypothécaires venus des quatre coins du monde se sont montrés de moins en moins exigeants pour accorder des prêts.

Les taux d'intérêts étaient faibles.

Pendant plus d'un an, jusqu'au 30 juin 2004, le taux directeur de la Réserve fédérale s'élevait à 1 % seulement, soit moins que le taux d'inflation.

Emprunter ne coûtait pratiquement rien. De toute façon, les intérêts sur prêts hypothécaires sont déductibles des revenus aux fins de l'impôt aux États-Unis. Cela incite les emprunteurs à contracter de gros emprunts, qu'ils amortissent sur une très longue période.

Les prêteurs faisaient même des promotions alléchantes pour intéresser de premiers acheteurs de maison à réaliser leur rêve ou en convaincre d'autres de choisir une propriété plus grande que ne le dictaient leurs besoins ou leurs moyens.

On leur proposait ainsi un taux très avantageux durant les deux premières années d'amortissement.

En revanche, l'emprunteur devait verser une prime sur les taux officiels au moment du renouvellement.

La pilule était facile à faire avaler, car la valeur des maisons grimpait vite. L'emprunteur pouvait profiter de la plus-value pour étaler davantage son amortissement et réduire ainsi l'augmentation de ses mensualités.

L'accident

En juillet 2007, cependant, le taux directeur de la Fed n'était plus de 1 %, mais de 5,25 %. Les mensualités moyennes étaient de 350 $ plus élevées que deux ans plus tôt. La valeur des propriétés commençait à baisser.

Renouveler un prêt est devenu au-dessus des moyens de bien des ménages. Les prêts défaillants augmentent depuis. Les saisies aussi. On en a compté des centaines de milliers cette année. Deux millions sont encore à prévoir l'an prochain.

Les promoteurs immobiliers sont dans l'impasse. Le parc de maisons neuves invendues équivaut à 11 mois de mises en chantier. Pour couronner le tout, cela fait aussi baisser la valeur des propriétés des ménages capables de faire face à leur échéance.

La crise de l'habitation actuelle est la plus grave de l'après-guerre.

Voilà pourquoi la consommation des Américains va sans doute diminuer l'an prochain.

Dans ce contexte, les détenteurs de papier commercial émis aux États-Unis choisissent de plus en plus de se faire rembourser quand il arrive à échéance. Surtout quand ils apprennent qu'il est peut-être garanti par des créances douteuses.

Jeudi dernier, la Réserve fédérale américaine a annoncé que le marché du PCAA avait fondu de 432 milliards depuis le mois d'août.

En juillet, il s'élevait à 1200 milliards, rappelle la Financière Banque Nationale. Du coup, toute la croissance de ce véhicule de crédit réalisée depuis deux ans et demi s'est évanouie.

Ces investisseurs achètent désormais des bons du Trésor, l'actif le plus liquide, mais qui rapporte le moins. C'est un signe de panique.

Que font alors les prêteurs hypothécaires ou leurs émetteurs de papier commercial ? Ils n'ont d'autre choix que de réinscrire à leur bilan ces créances, bonnes ou mauvaises, amorties sur plusieurs dizaines d'années.

Plus elles en détiennent, plus elles risquent de déclarer des pertes.

Plus elles ont fait de mauvais prêts, plus grandes seront ces pertes.

Au bout du compte, elles ont moins d'argent à prêter, et emprunter leur coûte plus cher. Elles refilent la note à leurs clients. Le crédit se raréfie et coûte plus cher, ce qui acculera de bons emprunteurs à déclarer forfait à leur tour.

Amorcée dans les hypothèques à risque, la crise se propage dans toutes les autres catégories de prêt.

Les banques sont pour la plupart dans le même pétrin. Elles se méfient les unes des autres, hésitent à se prêter et réclament l'aide des banquiers centraux.