Voici le second volet de notre dossier sur l'industrie forestière au Québec. Aujourd'hui, nous faisons le portrait de deux villages qui vivent la crise de façon différente.

Voici le second volet de notre dossier sur l'industrie forestière au Québec. Aujourd'hui, nous faisons le portrait de deux villages qui vivent la crise de façon différente.

Sainte-Anne-du-Lac Trois petites semaines. C'est le temps qu'a fonctionné la scierie de Sainte-Anne-du-Lac après sa remise un neuf à la suite d'un incendie il y a deux ans et demi. Aujourd'hui, un syndic de faillite tente de trouver quelqu'un pour relancer les activités.

Le maire de la localité de 650 âmes nous fait visiter la scierie Bois feuillus de la Lièvre inc. À l'intérieur, c'est comme si les employés avaient quitté leur poste la veille: le bran de scie est encore visible, des billots de bois dur attendent encore d'être sciés. Même les chaînes transportant les planches ont l'air d'avoir été peintes la veille tellement leur bleu est éclatant.

«On était bien parti, dit le maire Aimé Lachapelle, mais là, on s'en va sur l'autre bord.»

Sainte-Anne-du-Lac est un petit village à 45 minutes au nord de Mont-Laurier, dans les Hautes-Laurentides. C'est là où s'arrête la route 309. Autour, c'est la forêt. Ce sont aussi des lacs et des pourvoiries.

L'histoire du village est étroitement liée à celle de la scierie, qui a déjà appartenu au maire Lachapelle entre 1987 et 1992. «Je faisais de l'argent au boutte, dit-il. On est des manuels, on était de vrais gars de bois.»

Sauf qu'entre 1992 et maintenant, la situation de la scierie a bien changé. Le plus gros choc a été cet incendie de la fin mars 2006. Les propriétaires ont décidé de reconstruire. En un mois d'activité, la scierie a perdu 200 000$, selon le syndic Pierre Martin appelé à la rescousse.

Compte tenu de la tournure des événements, bien des résidants de Sainte-Anne en ont contre les dirigeants de l'époque. Car la scierie, c'est d'abord la Coopérative forestière des Hautes-Laurentides, encore aujourd'hui l'actionnaire principal de Bois feuillus de la Lièvre inc. La direction de la coopérative n'a pas répondu à nos nombreux appels.

Comme il s'agit d'une coopérative, les travailleurs devaient remettre 5% de leurs salaires. De l'argent qu'ils n'ont aucun espoir de revoir. «Ils auraient été mieux de ne pas reconstruire et de remettre les 5 millions aux travailleurs», raconte Cynthia Piché, ancienne classificatrice de planches qui s'est depuis recyclée dans la restauration.

La clé sous la porte et un chèque aux travailleurs: avec la diminution du nombre d'arbres que les forestières peuvent couper à la suite du rapport Coulombe sur l'état de la forêt -moins 20% pour les feuillus dans la région- , cette option aurait peut-être été plus sage. Mais trop tard. La scierie est là et le maire entend tout faire pour trouver un entrepreneur pour relancer les activités. «On n'a pas de plan B», dit-il, précisant qu'il garde espoir.

Mardi, le syndic Pierre Martin ouvrira les enveloppes contenant les offres qu'il a reçues pour «une des dernières usines bâties au Québec». Il espère que quelqu'un saura relancer les activités sur place. Mais une possibilité, c'est qu'une autre scierie l'achète et s'approprie le CAAF - c'est-à-dire les droits de coupe si précieux - et transporte le bois ailleurs pour le faire débiter.

«J'espère ne pas avoir à me rendre là. Peut-être que je n'aurai pas le choix de la vendre en morceaux. Mais le maire va me passer sur le corps», dit le syndic Martin.

Mais voilà. La question est de savoir s'il reste suffisamment de bois pour approvisionner trois scieries de feuillus autour de Mont-Laurier. «En faire fonctionner trois, non. Deux, je ne sais pas», souligne Denise Julien, directrice de l'Association des intervenants forestiers des Hautes-Laurentides.

Le maire Lachapelle, lui, pense qu'on peut faire fonctionner son usine avec les droits de coupe actuels. La journée de notre rencontre, il venait de rencontrer des investisseurs potentiels de Laval. «Eux autres, dit le maire, ils veulent couper le sciage de moitié, mais augmenter la qualité.» Bref, faire plus avec moins, comme le veut le cliché.

En entrevue à La Presse Affaires la semaine dernière, le grand patron de Domtar, Raymond Royer, déplorait le manque de célérité de Québec dans l'établissement de règles claires pour les droits de coupe, à la suite de rapport Coulombe sur l'état de la forêt. Il n'est pas le seul.

«Où ça va aller? Il n'y a personne qui est bien au courant», se plaint Sébastien Bergeron, directeur général de la Commonwealth Plywood, à Mont-Laurier. «Ça a un impact sur les investisseurs.»