R Les Chinois essaient toujours d'apprendre de l'Occident. Cette agitation, cette crise, représente une bonne chance d'en apprendre davantage sur la gestion du risque. Elle nous indique aussi de ne pas agir trop vite dans le domaine de ces innovations financières et d'être prudents concernant la libéralisation des marchés des capitaux et avant de s'exposer aux risques des marchés mondiaux. Ce risque est difficile à gérer, notre système n'est pas prêt.

La crise qui secoue Wall Street rappelle aux autorités chinoises qu'il y a un risque à ouvrir son système financier au monde. Ce constat est celui du professeur Fan Gang, directeur de l'Institut national de recherche économique, qui était de passage à Montréal hier. Voici un condensé de son entretien avec La Presse Affaires.

Q Quelles leçons la Chine tire-t-elle des leçons de la crise financière actuelle à Wall Street?

R Les Chinois essaient toujours d'apprendre de l'Occident. Cette agitation, cette crise, représente une bonne chance d'en apprendre davantage sur la gestion du risque. Elle nous indique aussi de ne pas agir trop vite dans le domaine de ces innovations financières et d'être prudents concernant la libéralisation des marchés des capitaux et avant de s'exposer aux risques des marchés mondiaux. Ce risque est difficile à gérer, notre système n'est pas prêt.

Q Donc, même si vous vous considérez comme un réformateur, vous pensez que la Chine aura besoin de plus de temps pour apprendre à gérer ces risques

R En un sens, je suis un réformateur. J'essaie de dire aux gens de faire plus de réformes () Mais on doit faire plus attention aux risques. Les marchés financiers sont plus compliqués que ce que beaucoup de gens croyaient. Ce qu'il faut, c'est attendre que la poussière retombe. Mais la Chine ne devrait pas arrêter ses efforts pour développer ses institutions financières et son marché financier pour être prêt pour la prochaine étape.

En ce qui a trait à l'ouverture, c'est une autre histoire.

Q Pourquoi?

R Au milieu de cette crise, qui veut se joindre à ça? On accueille déjà beaucoup de capitaux étrangers, on en fait déjà partie (du système financier international). Mais on peut garder un contrôle sur les capitaux.

L'ouverture va se poursuivre, mais, dans une certaine mesure, c'est mieux d'attendre un peu jusqu'à ce que les Américains implantent de nouvelles règles sur la gestion du risque. Après, on pourra voir dans quelle direction on devra se diriger.

Q Les fonds de l'État chinois sont-ils prêts à bouger, à acheter des entreprises américaines?

R Je ne sais pas. Je crois que c'est vraiment un cas de décision d'affaires. Ce ne devrait pas être politique.

Q Peut-on dire la même chose à propos des titres de dette américains que détient la Chine?

R Oui. D'ailleurs, c'est la seule chose que tu peux acheter sur le marché. C'est pourquoi la Chine a acheté des titres de Freddie Mac et Fannie Mae, parce qu'il y a seulement les bons du Trésor qui sont plus sûrs. C'est une décision commerciale. Ce n'est pas parce que les Chinois aiment acheter des actifs américains.

Si la Chine vend ses 1,3 trillion de titres de dette américains et que le marché américain s'écroule, nous souffrons. Donc les États-Unis et la Chine souhaitent tous deux une stabilité du marché et du dollar américains.

Q On parle beaucoup, dans le secteur immobilier chinois, du "syndrome de Shenzen", une ville où le prix des maisons a reculé. La situation est-elle aussi grave qu'en Europe ou aux États-Unis?

R Depuis 10 ans, toutes les fois, où il y a eu des débuts de bulle, le gouvernement a fait quelque chose pour en venir à bout. Grâce à cela, la bulle n'est pas grande. Il y a des corrections actuellement, mais ce ne sont pas de grosses bulles comme en Europe ou aux États-Unis. Shenzen, avec 20%, est peut-être la ville la plus touchée avec Hangzhou. () Je ne pense pas qu'on devrait trop s'inquiéter.

Q Quelle est donc la plus grande inquiétude du gouvernement actuellement?

R Ce qui les inquiète le plus, c'est qu'il y a plein de sources d'inquiétude. Si on les additionne, ça fait une grande source d'inquiétude. Et, à long terme, ce qui importe, c'est la situation des fermiers qui vivent encore dans une grande pauvreté.

À consulter

Notre dossier sur la crise financière