De leur arrivée en jet privé à leur demande de chèque en banc, la visite des PDG des trois grands de l'automobile à Washington aura été un désastre.

De leur arrivée en jet privé à leur demande de chèque en banc, la visite des PDG des trois grands de l'automobile à Washington aura été un désastre.

Les inquiétudes manifestées mercredi soir par les PDG de GM, Ford et Chrysler à leur retour à Detroit se sont réalisées hier: le Congrès américain n'autorisera pas de plan de sauvetage de l'industrie de l'automobile pour l'instant. Detroit réclame 25 milliards US, pour assurer la survie de l'industrie automobile.

Malgré leur refus d'appuyer un plan de sauvetage, les élus du Congrès américain octroieront une dernière audience au «Big 3» dans la semaine du 2 décembre. Aux dirigeants de l'industrie automobile d'être plus convaincants cette fois-ci! «L'industrie automobile est une industrie importante de notre pays et nous avons l'intention de la sauver. Mais tant qu'ils ne nous présentent pas de véritable plan, nous ne leur donnerons pas d'argent», a dit la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, après l'échec des négociations.

La stratégie des dirigeants de GM, Ford et Chrysler cette semaine à Washington aura été un cuisant échec. Au lieu de détailler comment l'industrie automobile utiliserait les milliards des contribuables, les dirigeants des trois grands ont rappelé aux élus les conséquences de la disparition de l'industrie automobile américaine.

«Les coûts pour la société américaine seraient catastrophiques: trois millions d'emplois perdus la première année, 150 milliards de pertes en salaires pour les Américains et 156 milliards de moins en impôts pour les gouvernements», a dit Rick Wagoner, PDG de GM.

Durant les audiences de mardi et mercredi à Washington, les dirigeants de l'industrie automobile ont soutenu que leurs difficultés financières étaient une conséquence directe de la crise du crédit. Sans crédit, les Américains n'achètent plus de voitures, ont-ils plaidé.

Un argument qui n'a pas ému les républicains conservateurs de la Chambre des représentants -ceux-là mêmes qui ont compliqué l'adoption du plan de sauvetage de Wall Street plus tôt cet automne. «J'ai besoin d'être convaincu que les 25 milliards vont faire la différence», a déclaré le représentant républicain Jeb Hensarling, du Texas. «À mon avis, un plan de sauvetage n'est pas juste (pour les autres industries) et ne règle pas le problème de l'industrie automobile», a dit le représentant républicain Spencer Bachus, de l'Alabama.

Pas dans le plan de Wall Street

Les élus républicains plus modérés ont proposé de piger 25 milliards dans un fonds existant visant à améliorer l'efficacité énergétique des voitures. Ce plan nécessite toutefois l'approbation du Congrès contrôlé par les démocrates, qui s'opposent à une telle solution.

Le plan républicain a clairement l'aval de la Maison-Blanche. «Nous voulons une solution pour l'industrie automobile et nous pensons que cette proposition pourrait recevoir un appui des deux partis à Washington si les leaders démocrates permettaient un vote au Congrès, a dit hier Dana Perino, porte-parole de la Maison-Blanche. Cette proposition permettrait d'utiliser de l'argent qui avait déjà été prévu (à long terme) pour l'industrie automobile.»

Si les démocrates s'opposent au plan de l'administration Bush, c'est qu'ils ont leur propre solution à la crise automobile: fournir 25 milliards à l'industrie automobile à même les 700 milliards du plan du plan de sauvetage de Wall Street, adopté en catastrophe le mois dernier, afin de mettre fin à la crise financière.

«J'ai parlé au secrétaire au Trésor, Henry Paulson, à deux reprises (hier). Il sait qu'il a l'autorité pour prêter 25 des 700 milliards du plan de sauvetage de Wall Street, mais il ne veut pas le faire», a dit le leader de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, sénateur du Nevada.

Le président élu Barack Obama s'est prononcé en faveur d'une aide de 25 milliards à l'industrie automobile, mais il n'entre en fonction que le 20 janvier prochain. D'ici là, c'est George W. Bush et son secrétaire au Trésor, Henry Paulson, qui gèrent le budget du gouvernement fédéral américain.

Dernière chance

À moins d'une volte-face de l'administration Bush, l'industrie automobile américaine devra attendre le retour de vacances de la Chambre des représentants, en congé jusqu'au 2 décembre, afin de connaître son sort. GM, Chrysler et Ford auront alors une dernière chance de faire valoir leurs arguments aux élus, qui s'attendent cette fois à examiner un plan de sauvetage et non une demande de chèque en blanc.

Les syndicats des travailleurs de l'automobile considèrent l'audience du 2 décembre comme celle de la dernière chance. Après, il sera trop tard. Et l'économie américaine devra vivre avec des millions de chômeurs de plus en pleine récession. «Si l'un des trois constructeurs automobiles tombe dans le ravin, vous pouvez être sûrs qu'un deuxième suivra, peut-être même le troisième, a dit Ron Gettelfinger, président du syndicat des travailleurs américains de l'automobile. Nous ne pouvons pas permettre à ces entreprises de tomber en bas du ravin.»

Le président du syndicat a ridiculisé au passage les arguments des opposants à un plan de sauvetage de l'industrie automobile. «Nous aidons l'industrie financière, nous aidons les entreprises automobiles étrangères à nous concurrencer, mais ne pourrions pas aider notre industrie automobile», a dit Ron Gettelfinger.

Le Canada attend lui aussi

En l'absence d'un plan de sauvetage aux États-Unis, les gouvernements du Canada et de l'Ontario attendent eux aussi afin de décider s'ils se porteront au secours de l'industrie automobile.

«Le gouvernement fédéral reconnaît l'importance de l'industrie automobile dans nos vies et dans notre économie ainsi que ses difficultés financières. Nous voulons travailler avec les provinces, notamment l'Ontario, pour avoir un plan uni et clair », a dit le ministre fédéral de l'Industrie, Tony Clement, hier à Washington. Son homologue ontarien, le ministre du Développement économique Michael Bryant, a toutefois écarté la possibilité de signer un chèque en blanc aux filiales canadiennes des constructeurs automobiles américains. «Cette option n'est plus sur la table», a-t-il.

Le Canada n'est toutefois pas maître de ce dossier. Si les constructeurs américains n'obtiennent pas d'aide du gouvernement américain et décident de déclarer faillite, leurs filiales canadiennes devront vraisemblablement cesser aussi leurs activités et un plan de sauvetage canadien sera inutile.