Il n'y a pas si longtemps, des banquiers s'amusaient à Soho Rooms, une boîte de nuit de Moscou, lors d'une soirée sur le thème décadent de «la fin du monde».

Il n'y a pas si longtemps, des banquiers s'amusaient à Soho Rooms, une boîte de nuit de Moscou, lors d'une soirée sur le thème décadent de «la fin du monde».

Mais à l'heure où la bourse est en chute libre, où le Kremlin se bat pour soutenir le rouble et où certains experts prédisent des faillites en cascade, la fête pourrait bien s'arrêter pour les nouveaux riches russes.

L'oligarchie russe est réputée pour faire l'étalage de clinquants signes de richesse. Ses représentants résident en très grande majorité à Moscou, où les prix de l'immobilier pratiqués dans la rue Ostojenka en font l'une des six artères les plus chères au monde.

Le nombre des milliardaires russes a grimpé d'un tiers en seulement un an, de 53 en 2007 en 71 cette année, selon le classement annuel du magazine Forbes.

La plupart ont fait fortune dans le négoce de matières premières - pétrole, acier, exploitation minière - qui a fleuri au moment du crédit facile et de la demande croissante. Mais tous les indicateurs annoncent une gueule de bois économique.

L'indice RTS a perdu aux alentours de 800 M$ US depuis qu'il a atteint des sommets en mai, la majeure partie des pertes étant enregistrée en septembre.

Le pays gagne 400 M$ US de moins par jour dans le secteur du pétrole et du gaz par rapport à début juillet, quand les revenus s'élevaient aux alentours de 1,3 G$ US, note Chris Weafer, stratège à Uralsib.

Les boîtes de nuit sélectes où une table convenable peut coûter des dizaines de milliers d'euros semblent en passe d'être durement touchées.

Lors d'une tournée des lieux branchés le week-end dernier, un journaliste de l'Associated Press en tenue décontractée, et habitué en temps normal à se faire refouler à l'entrée, a trouvé des bars loin d'être surpeuplés et des coins VIP désertes.

Des clubs à la mode comme Soho Rooms et Most - habituellement fréquentés par la jeunesse aisée - renvoyaient l'écho des pas de danse de quelques noctambules.

Mais nombre d'«oligarches» et des hommes d'affaires comme Vladimir Pirojkov semblent détester l'idée d'abandonner leurs habitudes épicuriennes.

«Les institutions financières seront affectées», concède Pirojkov en criant pour se faire entendre dans le bar à la mode Denis Simatchev. Mais «les gens continueront à venir ici. C'est un endroit très populaire. C'est une espèce d'aimant dans la ville».

Alexandre Lebedev lui paraît remarquablement calme pour un homme d'affaires qui a perdu près de la moitié de sa fortune estimée à 3,1 G$ US dans la dégringolade de la bourse.

«Je ne peux que mettre tous mes espoirs dans le fait que ce que les gens appellent une crise sera une douche froide pour beaucoup de têtes brûlées de la liste Forbes ici», souligne Lebedev, un homme aux cheveux gris, âgé de 49 ans, dans son bureau de Moscou.

Lebedev, qui occupe la 358e place dans la liste Forbes des plus grandes fortunes du monde, salue les restrictions nées de la crise.

À ses yeux, cela permettra de ramener du bon sens dans une ville où un verre de vin infect dans un bon restaurant coûte l'équivalent de 15 $ US et où un appartement doté de trois chambres dans un modeste quartier du centre de Moscou atteint les 10 000 $ US dans un pays où le revenu annuel moyen s'élève à environ 700 $ US.

«Si quelqu'un n'est pas en mesure d'acheter une Bentley, ou si un bureaucrate doit vendre son jet Gulfstream pour 50 M$ US», «c'est une bonne chose», note Lebedev.

Pour Nikolaï Ouskov, de l'édition russe du magazine GQ, «les Russes les plus riches vont continuer» à engloutir «des sommes énormes».

«Si vous voulez acheter de nouvelles montres et que vous avez de l'argent, vous continuerez à les acheter», remarque-t-il. «Je pense qu'ils ne vont pas se faire du souci pour 10 000 $ ou 20 000 $ US supplémentaires, même en temps de crise».