La crise financière et immobilière qui s'aggrave aux États-Unis a un impact bien réel pour 900 employés d'AbitibiBowater au Québec, qui ont appris hier la fermeture temporaire de quatre usines en raison de la baisse de demande américaine.

La crise financière et immobilière qui s'aggrave aux États-Unis a un impact bien réel pour 900 employés d'AbitibiBowater au Québec, qui ont appris hier la fermeture temporaire de quatre usines en raison de la baisse de demande américaine.

«On voyait les inventaires monter, et quand le bois ne se vend pas, il n'y a pas d'argent qui rentre: c'est une roue qui tourne», raconte Carl Proulx, représentant syndical des employés de la scierie Comtois de Lebel-sur-Quévillon.

Le scénario s'était déjà produit la veille pour 550 travailleurs de la forestière Tembec, mis à pied en Ontario et en Colombie-Britannique. Et encore à l'usine Exeltor de Bedford, dans le secteur du textile cette fois.

Les entreprises québécoises ont déjà connu des heures plus joyeuses, c'est le moins qu'on puisse dire. Les trois quarts de leurs exportations prennent la route des États-Unis, où les mauvaises nouvelles s'accumulent de jour en jour. Toutes ne sont pas affectées par la déconfiture américaine - certains en tireront même profit -, mais une inquiétude certaine règne.

«Il n'y a pas de doute que la confiance des PME demeure fragile par rapport à ce qui va se passer au cours des 12 prochains mois», dit Simon Prévost, vice-président au Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

La FCEI a mené il y a deux semaines un sondage trimestriel auprès des propriétaires de PME de la province. Conclusion: ce n'est pas la panique, même si la confiance se maintient à des niveaux «historiquement bas», dit M. Prévost.

Le resserrement du marché du crédit, conséquence directe de la débandade de Wall Street, commence aussi à se faire sentir. Ainsi, 18% des propriétaires d'entreprises québécoises ont constaté une détérioration de l'accès au financement bancaire au cours des trois derniers mois, rapporte la FCEI. Une progression légère, mais notable, par rapport au taux de 10% enregistré il y a un an.

Certaines industries sont frappées beaucoup plus durement que d'autres par la crise américaine. «La confiance se détériore plus dans les secteurs du manufacturier, de l'agriculture et de la construction, souligne Simon Prévost. Ce sont les trois secteurs ou ça va mal et où on sent une détérioration.»

Productivité en hausse

La croissance minime du produit intérieur brut québécois - 0,2% - au deuxième trimestre, annoncée hier, découle directement du ralentissement aux États-Unis, souligne pour sa part Jean-Luc Trahan, PDG de l'Association des manufacturiers et exportateurs du Québec. «Il y a une baisse du manufacturier, de la fabrication, c'est certain que c'est relié à ça.»

M. Trahan croit malgré tout que les entreprises exportatrices d'ici sauront tirer leur épingle du jeu. La forte montée du dollar canadien et des prix de l'énergie depuis 18 mois a forcé la plupart des sociétés à se moderniser pour améliorer leur productivité, rappelle-t-il. Elles sont mieux préparées que jamais à manoeuvrer dans un environnement difficile, en somme.

Plusieurs firmes québécoises se sont aussi tournées vers de nouveaux marchés, en premier lieu le reste du Canada et l'Europe, pour combler le déclin de leurs exportations aux États-Unis, souligne M. Trahan.

L'homme reste confiant. «C'est préoccupant, mais en même temps, si on est manufacturier, on est là pour le long terme.»

Des occasions d'affaires, aussi

La débandade de l'économie américaine a de quoi inquiéter plusieurs entreprises d'ici, mais certaines y voient aussi de nouvelles occasions d'affaires alléchantes.

Le groupe montréalais de services informatiques CGI, par exemple, se montre tout à fait optimiste. «Quand les choses deviennent difficiles, les solutions de sous-traitance que nous offrons deviennent tout à coup plus intéressantes», a déclaré Michael Roach, président de l'entreprise, pendant une conférence d'investisseurs tenue cette semaine à Montréal.

Le ralentissement de l'économie oblige bien des PDG à redéfinir leurs activités «non stratégiques» puis à les confier à des sous-traitants, a souligné M. Roach. Les services informatiques en font souvent partie, ce qui risque de profiter à CGI.

Les banques canadiennes pourraient de leur côté prendre le relais des institutions déchues de Wall Street dans le financement de grandes transactions. C'est du moins le cas de la Banque Nationale, de Montréal.

«Des firmes américaines et étrangères sont moins présentes, a déclaré cette semaine le président de la Banque Nationale, Louis Vachon, pendant une entrevue avec La Presse Affaires. On est en train de travailler sur une transaction, avec une autre banque canadienne, et on est appelé à remplacer un prêteur américain.»

Les PME ne sont pas en reste. Chez Technologies D-Box, qui fabrique des systèmes articulés de cinéma-maison destinés à un marché haut de gamme, peu touché pour l'instant par la crise, on estime que le ralentissement pourrait créer de nouvelles occasions d'affaires.

«L'aspect cocooning n'est pas à négliger, a souligné Claude McMaster, président de D-Box. Les gens investissent plus dans leurs propres loisirs à la maison plutôt que dans sorties au resto ou des voyages.»