Aux grands maux, les grands remèdes.

Aux grands maux, les grands remèdes.

Devant la récession mondiale à laquelle nous n'échappons plus, la Banque du Canada a choisi de sabrer son taux directeur de 75 centièmes. Même s'il est désormais fixé à 1,50%, son niveau le plus faible depuis 1958, les autorités monétaires se montrent disposées à le diminuer encore, si nécessaire.

En un an, le taux directeur a été réduit jusqu'ici de 300 centièmes.

«Les perspectives de l'économie mondiale se sont considérablement détériorées et la récession à l'échelle du globe sera plus vaste et plus profonde que prévu, lit-on dans le communiqué faisant part de son annonce. Les marchés financiers internationaux demeurent extrêmement tendus.»

En outre, les flux du crédit restent faibles malgré tous les moyens extraordinaires déployés par les banques centrales. À preuve, les grandes banques canadiennes ont plutôt choisi de réduire de 50 centièmes seulement leur taux préférentiel qui passe à 3,50%. Il s'agit du taux auquel elles prêtent en principe à leurs meilleurs clients. Dans les conditions présentes cependant, la cohorte des meilleurs clients est bien moins nombreuse qu'il y a quelques mois.

Taux hypothécaires en baisse

La Banque de Montréal a aussi annoncé la réduction d'un demi-point de pourcentage sur quelques prêts hypothécaires résidentiels à taux variables. Les taux des échéances de trois et cinq ans passent à 4,5%.

C'est la deuxième fois en autant de mois que les institutions canadiennes ne refilent pas à leurs clients tout l'allégement monétaire consenti par la banque centrale. Le 8 octobre, elles avaient réduit de 25 centièmes leur taux préférentiel alors que la Banque avait abaissé son taux directeur de 50 centièmes dans un geste concerté avec plusieurs autres banques centrales.

Quelques jours plus tard, elles avaient cependant accordé l'autre moitié de l'allégement, après qu'Ottawa eut annoncé que la Société canadienne d'hypothèques et de logement allait racheter aux banques des prêts qu'elle assurait déjà jusqu'à concurrence de 25 milliards. Depuis, le plafond a été porté à 75 milliards.

«Il existe un argument pour convaincre les banques commerciales de ne pas tout transmettre les baisses de la banque centrale. Leurs coûts d'emprunt à court terme sont plus élevés de 40 centièmes que la normale alors que leurs coûts d'emprunt à moyen et long terme sont au moins plus élevés de 250 centièmes», rappelle Éric Lascelles, stratège chez TD Valeurs mobilières.

L'économie canadienne «entre à présent en récession sous l'effet de la faiblesse de l'activité économique mondiale», précise aussi le communiqué de la Banque du Canada.

«C'est probablement la première fois que notre banque centrale annonce catégoriquement une récession chez nous», note Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Peu de données statistiques permettent encore de l'affirmer à coup sûr, mais «la Banque est certainement avancée dans son enquête trimestrielle sur les perspectives des entreprises», fait remarquer Axiel Reinhart, économiste chez JP Morgan à New York.

Le taux directeur de la Banque est désormais inférieur au taux d'inflation, pour la première fois depuis 2002.

«Nous pensons que ses interventions futures devront être dosées en fonction des plans de relance budgétaires potentiellement importants qui seront dévoilés des deux côtés de la frontière en janvier», suggère Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale.

Décroissance

La prochaine annonce de la Banque aura lieu le 20 janvier et sera accompagnée d'une Mise à jour de son Rapport sur la politique monétaire. Fin octobre, la Banque croyait que l'expansion serait nulle durant l'hiver, suivie d'une lente remontée à partir du printemps.

Desjardins s'attend plutôt à trois trimestres de décroissance en incluant celui en cours.

Le franc-parler exceptionnel de la Banque ne se veut pas qu'alarmiste. Elle précise ainsi que la dépréciation du dollar canadien compensera en partie la faiblesse de la demande mondiale pour les exportateurs et celle des prix des matières premières libellés en dollars américains pour les producteurs.

La Banque entend suivre la situation de près d'ici là afin de déterminer "dans quelle mesure une nouvelle détente monétaire sera nécessaire".

Reste à savoir où s'arrêtera le taux directeur. La plupart des économistes parient sur 1,0%, mais un plancher plus faible ne peut être exclu.