Tembec (T.TMB) envisage de lancer sur le marché des matériaux composites industriels «verts» à base de fibre de papier, mais durs, légers, résistants et durables.

Tembec [[|ticker sym='T.TMB'|]] envisage de lancer sur le marché des matériaux composites industriels «verts» à base de fibre de papier, mais durs, légers, résistants et durables.

La papetière québécoise, qui a eu ses propres problèmes dans le passé avec les normes environnementales, construit actuellement une usine-pilote précommerciale à même son complexe papetier de Témiscaming.

La firme veut diversifier son offre papetière traditionnelle et mettre en marché des produits de papier transformés, à haute marge de profit.

Après trois ans de recherche, Tembec a breveté en 2005 un matériau composite à base de cellulose (fibre de papier) imbibé de résines qui peut être facilement moulé dans des formes presque infinies, petites et grandes.

Tembec espère le voir un jour utilisé dans la fabrication de pare-chocs d'automobiles, de pales d'éoliennes, de pylônes électriques et de composantes de ponts et de quais.

Apprendre à marcher

Mais avant de courir, il faut apprendre à marcher et le projet de 4,1 millions récemment lancé par Tembec à Témiscaming est plus terre-à-terre: l'usine-pilote que Tembec va construire servira à tester à petite échelle ses procédés industriels dans la fabrication d'un produit plus humble: les traverses de chemin de fer, ces gros dormants placés en travers de la voie ferrée pour maintenir l'écartement des rails et transmettre les charges au sol.

Objectif: des traverses moins chères, plus performantes, deux fois plus durables et surtout infiniment moins polluantes que les 670 millions de traverses de bois créosoté qui soutiennent les 245 000 kilomètres du réseau ferroviaire interurbain qui relie le Canada et des États-Unis.

En gros, le procédé de Tembec implique l'utilisation de pâte de papier (des fibres de cellulose) liée par des résines pétrolières ou tirées du bois, explique l'ingénieur Mike Scobie, inventeur du procédé et responsable du projet chez Tembec.

La pâte de cellulose sera moulée et les traverses seront cuites avant d'être imbibées de résines spéciales et cuites à nouveau. Les résines sont déjà fabriquées par l'usine ARC Résines de Tembec, à Longueuil, qui pourrait ainsi profiter de la diversification de Tembec.

Étude de faisabilité

Tembec souligne que la construction et le lancement de l'usine précommerciale ne sont ni plus ni moins qu'une étude de faisabilité, note Richard Fahey, le vice-président de cette firme cotée en Bourse: «On ne veut pas créer d'attentes.»

Cela ne veut pas dire que Tembec a décidé de se lancer dans ce créneau d'affaires ni d'allouer du capital au-delà du million de dollars déjà investi depuis 2003 et des 4,1 millions additionnels requis pour la phase actuelle.

Tembec n'a pas fait d'annonce au sujet du projet. L'information est venue en juillet du gouvernement fédéral, qui contribue à hauteur de plus d'un million dans le projet, un peu moins que le gouvernement du Québec.

Tembec met environ 1,3 million sur les 4,1 millions.

Tembec devrait prendre sa décision au début de 2010, au sujet d'un investissement d'entre 30 et 50 millions de dollars.

La viabilité

«En fait, l'usine-pilote va nous servir à vérifier la viabilité technique et économique des méthodes de production que nous avons planifiées», dit Mike Scobie.

«On va produire à petite échelle pendant un an, et fabriquer environ 4000 traverses. Si tout va bien, si nos procédés sont efficaces et si les coûts sont comme prévu, une vraie usine à grande capacité, employant 30 ou 40 personnes, pourrait être construite», dit M. Scobie.

Son plan d'affaires prévoit une production de 200 000 unités en 2011, grimpant jusqu'à 1,8 million en 2019, soit 10% du marché annuel de remplacement en Amérique du Nord.

En dollars d'aujourd'hui, Tembec espère produire ses traverses en cellulose à un coût unitaire de 46$ et les vendre 58$, soit une marge d'environ 25%.

«Si vous avez vu les marges lamentables que l'industrie papetière génère dans ce coin-ci du monde, vous voyez pourquoi il faut qu'on se diversifie si on veut non seulement survivre mais prospérer.»

Arriver à un moment opportun

Tembec pense qu'elle arrive au bon moment avec ses traverses de chemin de fer «vertes». Depuis 1865, ce marché est dominé par le bois traité à la créosote, une huile goudronneuse tirée du charbon. Mais le Centre international de recherche sur le cancer et le ministère américain de l'Environnement considèrent maintenant la créosote comme «probablement cancérigène» pour l'humain.

Le problème est que la créosote des traverses de bois suinte petit à petit dans le sol, puis elle ruisselle dans la nappe phréatique. «Dans chacune des 670 millions de traverses de bois du réseau ferroviaire nord-américain, il y a environ 20 kg de créosote, dit Mike Scobie. Dans les nôtres, en composite de cellulose, il n'y a rien qui suinte.»

La question est devenue un enjeu de santé publique et les firmes ferroviaires de toute l'Amérique du Nord aimeraient bien se débarrasser de cet important passif potentiel. Mais jusqu'à présent, aucun produit de remplacement - plastique, ciment, acier - n'a réussi à s'imposer, explique Mike Scobie.

Tembec estime aussi qu'il est sage d'apprendre ce nouveau métier avec un produit relativement simple comme une traverse (une boîte rectangulaire de 9 pieds sur 9 pouces sur 7 pouces). Question de raffiner les procédés avant d'envisager des applications plus sophistiquées.

Même sans l'avantage environnemental, Tembec pense avoir un produit gagnant. Les prototypes placés sur de vrais rails depuis cinq ans absorbent mieux les vibrations et les lourdes charges que le bois. Aussi, elles seront totalement indigestes pour l'ennemie no 1 des traverses de bois dans le Sud et l'Ouest du continent: la termite, un animal têtu à l'estomac coriace qui finit par se faire un lunch et une maison dans le vieux bois créosoté.

De plus, les traverses de cellulose de Tembec dureront 50 ans alors que le bois dépasse rarement 30 ans. Leur coût moyen annualisé pourrait être de 40% moins cher que le bois traité si les traverses en fibre de papier de Mike Scobie durent aussi longtemps qu'espéré.