Les réserves de pétrole s'épuisent, si bien que le Québec pourrait être contraint de réduire considérablement sa consommation d'or noir d'ici 2030.

Les réserves de pétrole s'épuisent, si bien que le Québec pourrait être contraint de réduire considérablement sa consommation d'or noir d'ici 2030.

Telle est l'étonnante conclusion du chercheur Patrick Déry, analyste en énergie du Saguenay, qui a fait une étude fouillée sur le sujet.

Selon le chercheur, la forte demande d'énergie des pays émergents comme la Chine et l'Inde, jumelée à la raréfaction des nouveaux gisements de pétrole, pousse les grands pays consommateurs vers une impasse.

Patrick Déry est consultant dans le domaine énergétique depuis plusieurs années. Il a notamment comme client l'Université du Québec à Chicoutimi. M. Déry est titulaire d'un baccalauréat en physique et d'une maîtrise en génie électrique de l'Université Laval.

«Ces dernières années, l'écart entre la demande et les capacités de production s'est rétréci rapidement, si bien que le moindre événement entraîne une diminution de la production et propulse le prix du pétrole à des sommets», écrit-il dans son étude, réalisée pour le compte du Conseil régional de l'environnement du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Pour évaluer les disponibilités de pétrole pour le Québec, Patrick Déry dit avoir retenu les scénarios les plus réalistes de quatre groupes de chercheurs sur le pétrole dans le monde.

Outre le groupe allemand Energy Watch Group et le tandem de chercheurs Brown-Foucher, Patrick Déry a retenu les scénarios de l'ASPO (Association for the Study of the Peak Oil and Gas) et les analyses du chercheur suédois Frederik Robelius.

Selon ces groupes, le pic de production du pétrole sera atteint d'ici 2018. Le Energy Watch Group estime même qu'il a été atteint en 2006.

Le pic est calculé en tenant compte de tous les types de pétrole, qu'il soit pompé de manière traditionnelle ou extrait d'autres formes de gisement, comme les sables bitumineux, par exemple.

Déjà, plus de 50 pays ont dépassé leur pic de production, soit environ les deux tiers des pays producteurs, nous rappelle M. Déry au cours d'un entretien téléphonique. Le Mexique, la Norvège, la Grande-Bretagne et les États-Unis sont tous en déclin.

Dès lors que le pic global aura été atteint, la disponibilité de pétrole mondiale déclinera. Le modèle le plus optimiste retenu, celui du Suédois Frederik Robelius, prévoit une décroissance de 1,5 à 2% par an à partir de 2013, tandis que le modèle plus pessimiste estime la décroissance annuelle à 4%.

«Dans un monde comme le nôtre, qui a constamment besoin de plus d'énergie, dès qu'il y aura un déclin de la production, il y a une problématique importante», dit M. Déry.

Pour estimer la disponibilité du pétrole pour le Québec, Patrick Déry a appliqué les estimations de déclin de la production aux niveaux de consommation québécois de 2005.

En se basant sur le modèle le plus pessimiste, Patrick Déry conclut que le Québec pourrait ainsi devoir se passer de pétrole dès 2030. Dans le meilleur des scénarios, la disponibilité de pétrole aura décru de 35% en 2030 par rapport à 2013.

«Optimiste ou pessimiste, les scénarios parlent d'un déclin significatif en 2030. Il faut donc envisager un virage dès maintenant. Pourquoi prendre le risque d'attendre?» dit M. Déry.

Dur coup pour la balance commerciale

L'attente serait d'autant plus coûteuse que le prix du pétrole augmente constamment.

Chaque hausse d'un dollar du prix du baril de pétrole accroît le déficit de la balance commerciale du Québec de 160 millions de dollars par année, fait valoir M. Déry dans son étude.

À la fin des années 90, la balance commerciale du Québec dans le secteur énergétique était en déficit de 3 milliards de dollars. Avec la hausse constante du prix du pétrole, ce déficit est passé à 9,5 milliards de dollars en 2005 et pourrait dépasser les 17,5 milliards de dollars pour l'ensemble de 2008.

Autrement dit, le Québec importe bien davantage d'énergie qu'il en exporte.

Contrairement à la croyance répandue, seule une petite partie des gisements de pétrole sont détenus par des intérêts privés.

Dans les faits, environ 80% du pétrole mondial est produit par des sociétés d'État, dont le mandat est d'abord d'alimenter leur propre pays. Au Québec, par exemple, Hydro-Québec fait sensiblement la même chose avec l'hydroélectricité.

Cette forte production nationalisée incite le géologue pétrolier Jeffrey Brown, de Dallas, et son collègue Samuel Foucher à être plus pessimistes pour les pays importateurs.

C'est en reprenant ce scénario de référence que l'analyste Patrick Déry prévoit que le Québec sera en pénurie de pétrole en 2030.