Le Mouton noir de la télé est sauvé! Grâce à une équipe d'avocats de Stikeman Elliott qui ont trouvé un remède pour le remettre sur pattes. Guérison totale ou rémission temporaire?

Le Mouton noir de la télé est sauvé! Grâce à une équipe d'avocats de Stikeman Elliott qui ont trouvé un remède pour le remettre sur pattes. Guérison totale ou rémission temporaire?

Jean Fontaine en est bien conscient, les avocats comme lui, spécialistes en droit de la faillite, insolvabilité et restructuration, ne jouissent pas d'une grande réputation dans l'opinion publique.

«On nous considère comme des croque-morts!» dit cet associé 41 ans.

Il est 8h30, mardi matin. Nous sommes au centre-ville de Montréal, dans une salle de conférence du cabinet d'avocats Stikeman Elliott, où bosse Jean Fontaine depuis 1989.

Il vient de passer trois mois à tenter de maintenir en vie le réseau de télévision TQS. Malgré le tourbillon des dernières semaines, l'homme, à n'en pas douter, est de très bonne humeur.

Normal, la veille, le «Mouton noir de la télé» a annoncé son rachat par Remstar, quelques mois après s'être placé sous la protection de la Loi contre les créanciers.

«Si le dossier se rend à terme, on aura réussi à sauver 600 jobs. Pas mal pour des croque-morts!» dit celui qui a piloté une équipe de quatre avocats de Stikeman dans ce dossier.

Pour Jean Fontaine, l'histoire commence au début de décembre, alors qu'un de ses collègues l'avise que la direction de Cogeco -copropriétaire de TQS avec CTV Globemedia- veut le rencontrer pour discuter de la situation financière du réseau.

Quelques mois plus tôt, Cogeco avait entamé un processus de mise en vente, qui, manifestement, n'avait pas produit de résultat.

«Très vite, on s'est rendu compte que TQS manquerait de liquidités», raconte l'avocat. Une situation qui risquait de s'amplifier du fait que les deux actionnaires ne voulaient plus injecter d'argent dans l'entreprise.

Faillite ou restructuration?

Première recommandation: embaucher un conseiller financier indépendant, qui pourrait jouer le rôle à la fois de syndic et de contrôleur, tâche qui fut confiée à RSM Richter.

Ensuite, décider de la marche à suivre. Deux options s'offrent à TQS: la faillite ou la restructuration financière. Après analyse, il devient évident que la restructuration est la meilleure solution.

Le 18 décembre 2007, Jean Fontaine se présente donc devant les tribunaux pour demander la protection de la cour.

Jean Fontaine explique que sous la protection de la cour, TQS avait assez de liquidités pour assurer le «day-to-day», le temps de trouver un acheteur ou un arrangement avec les créanciers.

Mais l'avocat opte également pour la restructuration pour une raison stratégique: selon lui, lorsqu'une entreprise annonce publiquement qu'elle demande la protection de la cour contre ses créanciers, cela a pour effet d'attirer l'attention d'acheteurs potentiels.

«Pour certaines personnes, c'est un signe qu'il y a peut-être une aubaine à saisir, explique-t-il. Ce qui n'est pas nécessairement le cas.»

La stratégie fonctionne, car alors que pratiquement personne n'avait manifesté d'intérêt avant le 18 décembre, voilà que plusieurs acheteurs se pointent quelques jours à peine après l'annonce.

«Dès janvier, il devenait évident que plusieurs groupes étaient intéressés», dit Jean Fontaine.

Entre-temps, la direction de TQS négocie le réaménagement ou carrément la terminaison de certaines ententes avec producteurs et distributeurs, car il faut couper dans les dépenses, ne serait-ce que pour survivre jusqu'à l'été, échéance que l'on a estimée pour conclure une transaction.

Jean Fontaine, lui, s'occupe des créanciers mécontents. Toutes les demandes en ce sens lui sont acheminées. Ils veulent savoir ce qu'il adviendra de leur créance, s'ils continuent de fournir des services, comment ils seront payés, etc.

«Tous les jours, il y avait des feux à éteindre», dit celui qui a discuté avec les avocats de plus de 40 créanciers depuis décembre.

En février, les offres arrivent, quatre sont retenues, et c'est le rôle de l'avocat de les passer au peigne fin. Avec son équipe et le contrôleur, Jean Fontaine les lit, les analyse et en fait ressortir les ambiguïtés juridiques.

«Il faut aller dans le détail de toutes les clauses», explique-t-il.

Même si les actionnaires ont accepté l'offre de Remstar, Jean Fontaine ne manquera pas de boulot au cours des prochains mois. Car rien n'est encore joué.

Dès la semaine prochaine, il se représente en cour pour faire autoriser le financement intérimaire que doit fournir Remstar; ce financement -de plusieurs millions de dollars- servira à rembourser la CIBC, créancier garanti. Il doit ensuite demander une autre prolongation du délai de protection contre les créanciers, probablement jusqu'en juin.

D'ici la fin du mois, il doit de plus préparer le plan d'arrangement qui sera soumis aux créanciers, qui auront alors jusqu'à la fin du mois d'avril pour se prononcer.

S'ils l'acceptent, il faudra ensuite convaincre le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC)... Mais, soyez-en assurés, Jean Fontaine sera là!