La guerre couve dans la téléphonie. Au début de la dernière semaine, le gouvernement Harper a annoncé son intention de laisser les anciens monopoles de la téléphonie locale, répondre aux câblodistributeurs qui sont en train de gruger leurs parts de marché.

La guerre couve dans la téléphonie. Au début de la dernière semaine, le gouvernement Harper a annoncé son intention de laisser les anciens monopoles de la téléphonie locale, répondre aux câblodistributeurs qui sont en train de gruger leurs parts de marché.

Telus et BCE ne vont plus laisser filer leur clientèle sans dire un mot. Jusqu'à maintenant, ils n'avaient pas le droit de solliciter leurs anciens clients de téléphonie locale, durant une période de six mois suivant leur départ.

Ils ne pouvaient pas non plus offrir des tarifs préférentiels à certains types de clientèle. Et outre, leur offre de service devait être approuvée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC), avec les délais qui s'imposent.

Désormais, fini ces contraintes... du moins dans les marchés où sont offerts au moins trois services de propriété indépendante.

«Maintenant, les concurrents auront les moyens de venir se battre», dit Christine Décarie, vice-président et gestionnaire de portefeuille au Groupe Investors.

Le projet de libéralisation de la téléphonie devrait entrer en vigueur entre février et mai prochain, soit six à neuf mois plus vite que ce qui était prévu. Une bonne nouvelle pour les fournisseurs traditionnels de services de télécoms qui présentaient justement cette semaine leur prévisions de croissance pour 2007.

Telus s'attend à une croissance de 4 à 7% de son bénéfice (BAIIA: bénéfice avant impôt, intérêt et amortissement). BCE parle d'une hausse de 4 à 6%, mais les analystes sont plus sceptiques car l'entreprise a tricoté serré (notamment en comptabilisant différemment certaines dépenses) pour arriver à cet objectif.

Il est vrai que les compagnies de téléphone traditionnelles pourront encore compter sur la croissance de la téléphonie mobile... surtout Telus pour qui le sans-fil représente la moitié du BAIIA, par rapport à une proportion de seulement 30% pour BCE, note Mme Décarie.

«Est-ce qu'on est rendu au bout de la croissance du sans-fil? Non! Si on regarde l'expérience américaine, où le cellulaire est arrivé deux ans plus tôt, le taux de pénétration du sans-fil devrait monter jusqu'à 70%. En ce moment, il est juste au-dessus de 50% au Canada», dit la gestionnaire.

Mais les gains dans le sans-fil ne permettent de compenser pas si facilement les pertes dans le filaire. Chaque client qui quitte la téléphonie traditionnelle altère énormément la rentabilité, car les coûts d'exploitation fixes y sont très élevés.

D'autre part, dans le sans-fil, les clients qui s'ajoutent sont moins rentables, car les coûts d'acquisition de la clientèle sont plus importants: marketing, téléphone subventionné, etc. «Pour remplacer chaque client qui quitte le réseau filaire, il faut peut-être deux clients sans-fil», avance Mme Décarie.

Voilà pourquoi les anciens monopoles ont hâte de lutter pour leur clientèle traditionnelle. Mais ce ne sera pas une guerre sanglante, pas une lutte contre tout prix, prévoit Mme Décarie. Sauf peut-être au Québec.

Les câblodistributeurs se trouvent dans une situation financière beaucoup plus solide qu'il y a trois ans. Rogers Communications, entre autres, a beaucoup assaini son bilan.

L'entreprise dégage des fonds autogérés libres (free cash flow) qui lui permettent de réduire encore sa dette. Rogers dispose d'actifs de qualité. Du côté du cellulaire, la société profite maintenant de la technologie GSM, qui a été adoptée partout en Europe et à l'international.

Rogers est donc bien armé pour tenir en respect les fournisseurs de télécommunications. Tout comme le câblodistributeur de l'Ouest, Shaw Communications, il reste discipliné et rationnel.

Les deux entreprises n'ont pas tant fait fondre les prix. L'offre de services en bouquet (téléphonie locale, télévision et Internet) de Rogers représente une escompte de 10%, par rapport à l'offre comparable des fournisseurs de télécoms. Pour le même type de forfaits, Shaw offre un rabais de 15 à 20%.

Par contre, Vidéotron a été beaucoup plus agressif. «Trop», juge Mme Décarie. Son offre représente un rabais d'environ 35 à 40%. Reste à voir comment l'entreprise réagira à la réplique de BCE.