La disparition d'un siège social ne se traduit pas uniquement par des pertes d'emplois et des occasions perdues pour les firmes locales de services professionnels.

La disparition d'un siège social ne se traduit pas uniquement par des pertes d'emplois et des occasions perdues pour les firmes locales de services professionnels.

Elle peut aussi signifier la perte d'un généreux donateur.

«Il y a un impact lorsque le déménagement d'un siège social se produit, affirme la directrice des relations avec les entreprises et les fondations de l'Université de Montréal, Chantal Gélinas. C'est plus facile de faire de la collecte de fonds auprès d'une entreprise lorsque son siège social est à Montréal.»

L'entreprise qui déménage son siège social à l'extérieur mais qui veut conserver des parts de marché sur le marché local peut continuer à faire des dons aux organismes plus importants.

«Les organisations d'envergure nationale peuvent garder un certain appui, mais pour les organisations locales, c'est une perte», déclare Mme Gélinas, également présidente du conseil d'administration du chapitre du Québec de l'Association des professionnels en philanthropie.

Le président du conseil de BMO Nesbitt Burns, Jacques Ménard, a justement abordé cette question dans un discours prononcé devant cette même association à la fin de 2003.

«Les grandes sociétés qui ont émergé dans le processus de mondialisation n'ont pratiquement plus de résidence comme telle, a lancé M. Ménard. Leur portée s'élargit, mais leurs racines s'atténuent. Je peux vous dire que c'est plus difficile d'aller défendre une demande de don pour un hôpital québécois devant un conseil d'administration qui siège à New York, à Dallas ou à San Francisco, que ce l'était à Montréal.»

Le vieil adage «loin des yeux, loin du coeur», s'applique même en philanthropie.

«Même quand ces entreprises conservent des installations au Québec, la philanthropie corporative n'entre pas toujours dans le mandat des gestionnaires d'usine», a observé M. Ménard.

Le budget disponible risque surtout d'être bien inférieur, commente Mme Gélinas.

Le vice-doyen aux affaires externes de l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia, Michel Magnan, affirme également que le départ d'un siège social peut entraîner la disparition d'une entreprise citoyenne.

«Si vous avez un siège social à Montréal, vous risquez de commanditer le Festival de jazz, vous risquez de participer à Centraide, vous risquez de faire un don à l'université ou à l'hôpital, déclare-t-il. Si vous n'avez plus de siège social, vous allez peut-être continuer à faire tout cela, mais peut-être pas.»

Si Alcoa devait décider un jour de fermer totalement le siège social d'Alcan à Montréal, elle pourrait être tentée de continuer à verser des contributions dans la région du Saguenay et du Lac- Saint-Jean parce qu'elle continuerait à y avoir des activités.

«Mais pourquoi investirait-elle à Montréal? La ville ne serait plus sur son écran radar», avance M. Magnan.

Les fusions et acquisitions au sein des sociétés canadiennes a également des effets négatifs sur la philanthropie corporative, affirme Mme Gélinas.

«Là où nous avions quatre donateurs potentiels, nous n'en avons plus qu'un, déplore-t-elle. Or, l'entreprise qui demeure ne conserve jamais le portefeuille philanthropique des trois autres. Forcément, il y a des perdants.»

M. Magnan affirme qu'il y a toute une vie qui se crée autour des sièges sociaux : services professionnels, hébergement, restauration, activités culturelles et sportives.

«Si votre siège social est à Montréal, vous avez une loge au Centre Molson, déclare-t-il. Si vous n'en avez pas, ce n'est pas évident.»

En tant que vice-doyen, il a un autre souci.

«Mes diplômés risquent d'avoir plus d'opportunités chez Alcan si son siège social est à Montréal que s'il est à New York, déclare-t-il. Plus j'ai des entreprises qui ont des sièges sociaux près de moi, plus c'est facile d'entrer en contact avec eux, plus c'est facile de placer des diplômés.»

Statistique Canada trace cependant un portrait plus optimiste de la prise de contrôle étrangère d'entreprises canadiennes. Ainsi, sur les 164 sièges sociaux canadiens qui sont passés sous contrôle étranger entre 1999 et 2005, seulement 34 ont fermé leurs portes, entraînant la perte de 1709 emplois.

Pendant la même période, les entreprises étrangères ont ouverts 38 nouveaux sièges sociaux au pays, créant 2346 emplois.

Le nombre d'emplois dans les sièges sociaux a augmenté de 10,7 % au Canada entre 1999 et 2005 pour atteindre 174 882.

À Montréal, le nombre d'emplois est demeuré à peu près stable à 36 893. Montréal est toujours la ville canadienne qui compte le plus de sièges sociaux après Toronto.