Le milliardaire ontarien Frank Stronach n'a pas fini d'étonner. Sa dernière idée : prendre une bouchée de son client Chrysler par l'entremise de son entreprise Magna International, le plus grand fabricant de pièces automobiles au pays.

Le milliardaire ontarien Frank Stronach n'a pas fini d'étonner. Sa dernière idée : prendre une bouchée de son client Chrysler par l'entremise de son entreprise Magna International, le plus grand fabricant de pièces automobiles au pays.

Réussira-t-il son projet ?

Ça reste à voir mais il a les moyens de le faire, pensent les observateurs.

«Magna est rentable et elle dispose d'un bilan solide», constate l'analyste Vincent Paquet de ING Gestion de placement.

Hier, un journal allemand rapportait que Chrysler pourrait être vendu entre 6 et 9 milliards US.

Il y a neuf ans, le géant allemand Daimler a déboursé 36 milliards US pour le constructeur américain dans le but de regrouper ses activités à celles de Mercedes-Benz et de Dodge.

Depuis 1998, les parts de marché de Chrysler aux États-Unis sont passés de 16,1 % à 12,9 %.

L'an dernier, le troisième producteur américain d'automobiles a perdu 1,5 milliard US.

Parmi les acheteurs intéressés, il y aurait les fonds d'investissement Cerberus, le groupe de Blackstone avec Centerbridge Capital et celui de Ripplewood Holdings avec le fabricant Magna.

«Si la transaction se réalisait, Magna prendrait une participation minoritaire d'environ 20 à 25%», avance le gestionnaire Stéphane Gagnon, du Fonds des professionnels.

La compagnie a assez d'argent dans ses coffres pour supporter une bonne partie de cet achat, ajoute-t-il.

Il calcule que ses liquidités nettes s'élèvent à 1,1 milliard US, soit l'équivalent de 9,75 $ US l'action.

M. Gagnon pense que Magna dispose d'un avantage par rapport à ses concurrents.

À son avis, le propriétaire DaimlerChrysler, cinquième constructeur automobile au monde, pourrait préférer un gestionnaire de la trempe de Stronach, spécialisé dans le secteur.

Pour le moment, il est encore trop tôt pour savoir comment la transaction sera ficelée.

Est-ce que DaimlerChrysler continuera à assumer certains éléments de passifs, comme ceux de la caisse de retraite et des frais médicaux des employés ?

Est-ce que les syndicats seront appelés à collaborer pour réduire les coûts ?

«J'ai hâte d'en savoir plus», admet M. Gagnon.

Pour sa part, Vincent Paquet rappelle que Magna veut participer à la transaction pour sécuriser ses contrats avec Chrysler.

En 2004, 28 % de ses revenus provenaient de DaimlerChrysler (incluant une partie européenne), précise-t-il.

Pendant ce temps, les parts de General Motors et de Ford s'élevaient respectivement à 24% et 19%.

Cela dit, en achetant Chrysler, Magna deviendrait le concurrent de ses propres clients.

À court terme, l'analyste ne pense pas que cette situation affecterait les revenus du fabricant canadien de pièces.

«Ça ne changerait pas du jour au lendemain, dit le spécialiste. Mais il y aurait des risques sur une période un peu plus longue de ne pas renouveler certains contrats avec l'arrivée de nouveaux modèles et de nouvelle plate-forme de production.»

Vincent Paquet souligne que l'industrie automobile nord-américaine vit des moments difficiles.

Les problèmes de Chrysler sont le reflet de l'engouement des consommateurs pour les autos européennes et asiatiques, des programmes de rabais des grands constructeurs américains, des caisses de retraite déficitaires et de la hausse du prix de l'essence qui ne favorise plus la vente des gros véhicules.

Dans ce contexte, signale-t-il, l'avenir du secteur des pièces d'auto nord-américaine, où se trouve Magna, n'est pas très reluisant.

Stéphane Gagnon constate également que le secteur connaît des difficultés.

Cela se reflète dans la faible évaluation du prix de Magna. Il calcule que son titre s'échange à seulement 12,5 fois les profits de 2007 et 11,3 fois les profits de 2008.

Le gestionnaire ne recommande pas d'acheter l'action mais il suggère à ceux qui en ont de les conserver.

«Sur un horizon de plus long terme, les choses peuvent changer car les fournisseurs les plus faibles seront éliminés, explique-t-il. Dans ce cas, Magna, qui est une société solide, devrait en profiter.»

Selon Bloomberg, six analystes recommandent l'achat du titre. Quatorze proposent de le conserver et deux suggèrent de le vendre.

Leurs prix cible moyen est de 91,85 $ d'ici un an. Il s'agit d'un gain potentiel d'un peu plus de 5% par rapport au cours actuel.