Les ports canadiens donnant sur l'Atlantique et sur le Pacifique sont plus près d'Europe et d'Asie que leurs concurrents américains et mexicains, mais ils tardent à tirer profit de cet avantage.

Les ports canadiens donnant sur l'Atlantique et sur le Pacifique sont plus près d'Europe et d'Asie que leurs concurrents américains et mexicains, mais ils tardent à tirer profit de cet avantage.

La forte croissance du trafic de conteneurs requiert des investissements massifs pour grossir les capacités de chargement et de déchargement.

Or, la propriété des installations portuaires relève du secteur privé au Canada, contrairement aux États-Unis où ils sont un bien public.

Cela limite leurs pouvoirs d'emprunt. Les contrats passés avec les armateurs sont en général d'une durée de trois ans alors que l'amortissement d'une infrastructure portuaire s'échelonne sur de 30 à 40 ans, ce qui rend risqué d'investir pour les mettre à niveau, fait remarquer Mary Brooks, de l'Université de Dalhousie, en Nouvelle-Écosse.

Pour le compte du Conference Board du Canada, elle vient de réaliser une recherche dont le titre anglais pourrait se traduire comme suit: S'attaquer au réseau de transport: tirer partie de l'avantage canadien comme porte d'entrée du continent.

«Les gouvernements canadiens font des progrès depuis deux ans dans le financement d'améliorations des infrastructures, écrit-elle. Cela dit, le Canada doit rompre avec sa politique d'autofinancement des installations portuaires. Il lui faut plutôt soutenir les chantiers d'envergure nationale.»

Les défis de Prince-Rupert et de Vancouver portent sur leur expansion alors que ceux de Halifax consistent plutôt à se faire mieux connaître des armateurs, croit Mme Brooks.

Elle a écarté Montréal de son étude car elle voulait se concentrer sur le marché des cargos d'au moins 5000 TEU (20 pieds d'équivalence) alors que les plus gros bateaux qui accostent à Montréal ont une capacité d'environ 2700 conteneurs.

L'avantage de proximité des ports canadiens est encore mal exploité, estime Mme Brooks, Il faut une journée de moins à un cargo qui quitte Shanghai pour se rendre à Prince-Rupert plutôt qu'à Seattle, deux de moins qu'à Los Angeles (Long Beach).

Rejoindre l'Amérique à partir de Mumbai, en Inde, prend 14 jours et 13 heures si on met le cap sur Halifax, mais 15 jours et une heure si on opte pour New York, a estimé Mme Brooks.

Mais il y a plus. Les ports donnant sur le Pacifique sont très engorgés. Une bonne partie de la marchandise qui y transite prend la route de l'est des États-Unis ou du Canada, plus densément peuplé.

Halifax est plus près de l'Asie que ses concurrents New York et Norfolk. Certaines chaînes de détaillants comme Canadian Tire choisissent de faire livrer à Halifax.

Mme Brooks fait remarquer que le Canada doit investir davantage dans la formation de gestionnaires en logistique portuaire.

«La Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique accusent des retards, note en entrevue Mme Brooks. Elles devraient s'inspirer du Québec car le port de Montréal est bien géré.»

Le Canada doit aussi surmonter son importante pénurie de routiers. L'âge moyen dans le camionnage est parmi les plus élevés des industries. Si l'industrie peine à attirer les jeunes, il faudra recourir de façon pressante à l'immigration, croit Mme Brooks.

Le rail en revanche a très bien su d'adapter aux nouvelles normes américaines de sécurité. Les installations portuaires pourront compter sur lui, mais il ne peut suppléer le recours au camion.

Mme Brooks note enfin que le Canada jouit d'un certain avantage sur ses concurrents mexicain et américain pour le temps de dédouanement. Il faut compter sept jours à l'exportation et 10 à l'import comparativement à neuf dans les deux cas aux États-Unis et 17 et 26 jours respectivement pour le Mexique.

Le Canada peut faire mieux et se rapprocher du Danemark et de la Chine qui bouclent en cinq jours l'une ou l'autre des opérations.

«Dans cette joute, le temps est le nerf de la guerre, croit Mme Brooks. Il faut saisir l'occasion qui se présente avant que les États-Unis investissent et deviennent la porte d'entrée du continent. C'est une tâche que le Canada peut facilement remplir.»