Rouler à 160 km/heure n'est pas permis. Ni conduire avec quelques verres dans le nez. De tels comportements peuvent entraîner des accidents, parfois mortels.

Rouler à 160 km/heure n'est pas permis. Ni conduire avec quelques verres dans le nez. De tels comportements peuvent entraîner des accidents, parfois mortels.

Au même titre que les automobilistes, les banques ont des règles à suivre pour éviter des accidents. Et ces règles changent, selon les événements. Il y a 30 ans, le port de la ceinture n'était pas exigé et la conduite avec faculté affaiblie n'était pas criminelle.

Ces derniers jours, justement, les grands bonzes de la finance demandent que soient revues les règles qui régissent les banques pour éviter une reprise de l'actuelle crise de confiance.

Essentiellement, la principale règle à suivre pour les banques concerne le ratio de capital. Grosso modo, le ratio de capital correspond aux fonds propres d'une banque (actions ordinaires, bénéfices non répartis, etc.) divisés par le volume d'actifs. Plus ce ratio est élevé, plus une institution est considérée en bonne santé financière.

En vertu d'ententes signées en 2005 à Bâle, en Suisse, les institutions financières doivent avoir un ratio de capital minimum qui équivaut à 4% des actifs risqués. Ce 4% est une moyenne pondérée, c'est-à-dire que les banques doivent en réalité avoir plus de capital pour les actifs très risqués, comme les prêts hypothécaires subprimes, que pour les bons du Trésor.

Les banques ont aussi un deuxième ratio de capital à respecter. Cette fois, il s'agit de la division d'une enveloppe élargie de capital (fonds propres, actions privilégiées, etc.) par les actifs. Cette enveloppe plus grande doit équivaloir au minimum à 8% des actifs.

Les pays qui ont souscrit à l'Accord de Bâle -les grands pays industrialisés- sont tenus de respecter ces ratios, mais en réalité, ils sont souvent plus exigeants. Au Canada, au lieu de 4 et 8%, on demande des ratios minimums de 7 et 11% et encore, la plupart des banques ont des ratios qui tournent autour de 8 et 12%, d'où leur solidité financière.

Aux États-Unis, une banque est dite bien capitalisée par les autorités lorsque ses ratios dépassent 6 et 10%, ce qui est moins sévère qu'au Canada. Dans les faits, certaines banques américaines ont un ratio global de capital qui excède 12%, comme la JP Morgan Chase, mais d'autres se sont dangereusement approchées de la limite de 10%, comme Citigroup (10,7%), Wells Fargo (10,68%) et Bank of America (11,02%).

Hier, la Commission européenne a justement annoncé son désir de réviser «les règles en matière de fonds propres des banques afin de renforcer le système financier» à long terme. L'un des commissaires, l'Américain Charlie McCreevy, a proposé que soient augmentées les exigences de capital pour les produits financiers structurés, ces fameux titres garantis par une multitude de tranches d'actif.

Selon Jean Roy, professeur de finance à HEC Montréal, on ne pourra appliquer de nouvelles règles du jour au lendemain. C'est que pour augmenter une part de leur ratio, les banques devraient soit se départir d'actifs risqués, soit lever de nouveaux fonds, «ce qui est difficile dans les conditions actuelles du marché».

Selon lui, les réformes mondiales viseront davantage la qualité de l'évaluation des actifs des banques. Ces dernières années, les institutions se sont fiées aux agences de notation de crédit pour établir le capital à détenir. Or, ces agences privées (S&P, DBRS, etc.) ont visiblement failli à leur tâche, au regard du gâchis qu'ont causé les produits financiers structurés souvent dits de première qualité. «Le grand problème du milieu bancaire, c'est que les banquiers ont cette habileté à camoufler leurs mauvais prêts. Il faut s'assurer que les risques de crédits sont bien évalués», dit M. Roy.

Même son de cloche de l'avocat Jean Martel, de Lavery de Billy. «Aux États-Unis, il y a eu un laxisme dans l'évaluation du risque des clients étant donné que les prêts, en étant titrisés, étaient destinés à être revendus et non conservés», dit M. Martel. Bref, l'industrie a besoin à court terme d'un plan Paulson pour s'en sortir, mais à plus long terme, des règles de capital plus sévères devront être édictées. Fini l'alcool au volant!