À 77 ans, Warren Buffett pourrait s'accorder une retraite bien méritée. C'est mal connaître l'Oracle d'Omaha, qui tient sa grand-messe annuelle aujourd'hui (samedi) dans sa ville natale du Nebraska.

À 77 ans, Warren Buffett pourrait s'accorder une retraite bien méritée. C'est mal connaître l'Oracle d'Omaha, qui tient sa grand-messe annuelle aujourd'hui (samedi) dans sa ville natale du Nebraska.

Non seulement continue-t-il de gérer les investissements de son conglomérat Berkshire Hathaway, mais il n'a jamais été aussi actif depuis une décennie. La débâcle sur les marchés boursiers le tient fort occupé, lui qui a fait sa fortune en achetant des actions de grandes entreprises à bas prix et en les conservant à long terme.

«M. Buffett est clairement plus actif que la plupart des investisseurs présentement, dit Jean-René Ouellet, analyste au groupe de conseils en portefeuille chez Valeurs Mobilières Desjardins. Les gens voient les marchés boursiers qui baissent, alors ils cessent d'acheter des actions. Lui fait exactement l'inverse.»

Le gestionnaire de portefeuille François Rochon n'est pas surpris de voir son mentor être aussi actif sur les marchés boursiers.

«Le prix des actions est attrayant. Idéalement, ce serait encore plus bas, mais c'est quand même la meilleure période pour acheter des actions depuis l'éclatement de la bulle techno. En 2001, les technos avaient beaucoup baissé, mais Warren Buffett n'investit pas dans ce secteur parce qu'il ne le comprend pas suffisamment. Les actions des autres secteurs avaient un peu baissé, mais pas autant que présentement», dit le président de Giverny Capital, une firme d'investissement de Montréal dont la philosophie de gestion est basée sur celle de Warren Buffett.

Au cours du dernier trimestre de 2007, Warren Buffett a profité de la baisse des marchés boursiers afin d'investir 2,3 milliards US à la Bourse. Pendant la même période, il n'a vendu que 160 millions de son portefeuille boursier.

Ce trimestre a mis fin à une année mouvementée pour l'Oracle d'Omaha, qui a effectué plusieurs investissements majeurs. Il a ajouté trois entreprises d'envergure à son portefeuille, évalué à 75 milliards US au 31 décembre dernier: le transporteur ferroviaire Burlington Northern Santa Fe (5,1 milliards US), Kraft (4,1 milliards US) et la pharmaceutique française Sanofi-Aventis (1,6 milliard US). Il a aussi augmenté sa participation dans trois entreprises du secteur financier, durement touchées par la crise du crédit: American Express, U.S. Bancorp et Wells Fargo.

Buffett à l'international

Malgré tous ses achats, Berkshire Hathaway disposait encore de 44,3 milliards US dans ses coffres au 31 décembre dernier. Comme Warren Buffett ne s'intéresse qu'aux grandes entreprises - pour une acquisition, il ne regarde rien à moins de 5 milliards US -, son nombre de cibles potentielles est limité.

L'Oracle d'Omaha a tellement de difficulté à trouver des entreprises intéressantes à ses yeux qu'il a dû modifier sa formule magique d'investissement. Autrefois réputé pour investir seulement aux États-Unis - non par chauvinisme, mais parce qu'il s'agissait du seul marché qu'il connaissait suffisamment, expliquait-il -, il s'est graduellement ouvert aux marchés étrangers. En 2006, il a fait sa première acquisition étrangère: Iscar Metalworks, un fabricant d'outils israélien.

«Autrefois, Warren Buffett disait à la blague que s'il ne pouvait pas faire d'argent dans un marché de 10 trillions de dollars comme les États-Unis, c'est qu'il n'était pas un bon investisseur, dit François Rochon. Mais il a eu des bonnes premières expériences à l'étranger et il veut maintenant s'ouvrir au monde entier.»

Plus tard ce mois-ci, Warren Buffett fera une tournée européenne à la recherche d'entreprises à acquérir. Son itinéraire comprend l'Italie, la Suisse, l'Allemagne et l'Espagne.

Mais avant de visiter le Vieux Continent, Warren Buffett doit accueillir ses disciples dans sa ville natale ce week-end. Encore cette année, ils seront plus de 20 000 actionnaires de Berkshire Hathaway à converger vers Omaha afin de prendre part à l'assemblée annuelle de l'entreprise. Il s'agit d'un phénomène unique dans le monde des affaires. Comme la longévité des succès boursiers de l'Oracle.

Warren Buffett...

... le politicien

D'allégeance républicaine, il a pourtant annoncé qu'il voterait pour un démocrate à l'élection présidentielle de novembre prochain. Une décision d'autant plus étonnante que son père était un membre républicain du Congrès dans les années 50 et 60.

... le comédien

En mars dernier, il a joué son propre rôle dans un épisode de la télésérie américaine All My Children, où il tente de venir en aide à une femme d'affaires accusée de délit d'initié. Son cachet pour une journée de tournage: 700$.

... le conseiller

En novembre dernier, il a conseillé à son ami, la vedette du baseball Alex Rodriguez, de signer un nouveau contrat avec les Yankees de New York. Rodriguez venait de rompre avec les Yankees, mais il s'est mis à regretter sa décision. «Si tu aimes les Yankees, prends le téléphone et appelle la direction», lui aurait dit Warren Buffett.

Un investissement controversé mais rentable

Le sujet était sur toutes les lèvres à l'assemblée de Berkshire Hathaway l'an dernier: Warren Buffett cédera-t-il aux pressions des actionnaires activistes qui lui demandent de se départir de ses actions de PetroChina?

Si l'on s'en prend à Warren Buffett, c'est que l'autre actionnaire de PetroChina - une société d'État chinoise - fait des affaires au Darfour. Tout en condamnant la situation au Darfour, Warren Buffett s'est défendu d'encourager le génocide.

Les actionnaires de Berkshire Hathaway l'ont appuyé en rejetant à 98% la proposition de vendre les actions de PetroChina.

La question semblait réglée. Pourtant, quelques mois plus tard, Warren Buffett changeait d'idée et se départissait de ses actions de PetroChina achetées au coût de 488 millions US en 2002. Son prix de vente: 4 milliards!

L'aventure chinoise de Warren Buffett a peut-être été controversée, mais elle s'est avérée rentable.

Buffett contre le huard

Même le huard ne peut venir à bout du génie boursier de Warren Buffett.

Malgré la hausse du dollar canadien, les actionnaires canadiens de Berkshire Hathaway ont réalisé un gain de 12% en 2007. L'action B de Berkshire - la moins chère, évaluée à 4448$ l'unité vendredi à la fermeture - a gagné 29% au cours de l'année 2007.

La montée du huard a toutefois retranché 17% au rendement en dollars canadiens de Berkshire Hathaway - comme toutes les entreprises américaines, d'ailleurs -, ce qui porte son rendement final en dollars canadiens à 12% en 2007.

Le gestionnaire François Rochon ne s'inquiète pas des fluctuations de devises.

«Avec l'action de Berkshire, un investisseur peut s'attendre à un rendement annuel de 12%, dit le président de Giverny Capital. S'il investit à long terme, l'effet des devises devrait s'annuler, sinon être minime. La devise a peut-être influencé le rendement l'an dernier, mais elle ne devrait pas jouer un grand rôle sur un horizon de 10 ans.»

Les admirateurs canadiens de Warren Buffett pourraient tout de même être tentés de profiter de la force actuelle du huard. Si le dollar américain reprenait de la rigueur au détriment du huard, ils verraient alors leur investissement dans Berkshire Hathaway prendre de la valeur.

«Présentement, ils peuvent acheter une action sous-évaluée par le marché avec la possibilité de faire un gain sur les devises si la valeur du dollar canadien diminue», résume François Rochon.