Mercredi, Jean Champagne entrait au travail quand un de ses employés d'usine l'a arrêté. Il voulait savoir comment son patron se tirait d'affaires avec la hausse du dollar canadien.

Mercredi, Jean Champagne entrait au travail quand un de ses employés d'usine l'a arrêté. Il voulait savoir comment son patron se tirait d'affaires avec la hausse du dollar canadien.

M. Champagne, qui fabrique des portes patio à Beauceville, a l'habitude de répondre à la question.

«Tout le monde est inquiet, raconte le propriétaire de Resiver. Je joue au hockey dans une ligue de garage et, lundi soir, c'est de ça qu'on parlait dans la chambre des joueurs.»

De la Beauce à la Montérégie en passant par Lanaudière et Montréal, La Presse Affaires a contacté une bonne dizaine de gens d'affaires du secteur manufacturier et des intervenants économiques cette semaine. Partout, cette même crainte face au huard remplumé.

Dominic Brochu, directeur principal du pupitre de change à la Banque Nationale, est en contact avec des entreprises canadiennes. Il fait le même constat.

Dans l'Ouest du pays, explique-t-il, c'est loin d'être une préoccupation majeure. Et dans le secteur des services, «les gens s'en sortent encore très bien».

Un sentiment d'esprit différent dans le manufacturier. «C'est plus la panique de ce côté-là. Les gens se demandent quand ça va arrêter.»

Retour en usine. Cette fois, à Terrebonne, chez le fabriquant de salles de bains Vanico-Maronyx. En 27 ans, Robert Gauvreau n'a jamais vécu un choc comme celui que lui fait subir le huard vigoureux.

«C'est beaucoup trop rapide, dit-il. On ne peut pas compenser à court terme.»

Concrètement, ça veut dire un coût de 65 000$ à 75 000$ par mois en moins au rythme actuel. Pour l'ensemble de l'année (le début de 2007 a été moins difficile), il aura perdu 350 000$ en conversion de devises. Sur un chiffre d'affaires de 10 millions.

Le tiers des ventes de M. Gauvreau se font aux États-Unis, un tiers au Québec et un autre tiers en Ontario. Ce sont ses ventes au Canada qui sauvent la mise.

On ne peut pourtant pas l'accuser de s'être assis sur ses lauriers. Oui, il a acheté de nouveaux équipements pour rendre son usine plus productive. Il songe même à l'agrandir. Un projet évalué à 2 millions ou 3 millions de dollars, selon les deux plans à l'étude.

Il s'attend à recevoir de l'aide du gouvernement du Québec, mais pas du fédéral. «Le gouvernement républicain d'Ottawa, insiste-t-il, ne se préoccupe pas de ça.»

Vanico-Maronyx s'est aussi mis à l'achat de matières premières à l'étranger, ce qui a permis de réduire des coûts. Une solution également adoptée par le fabriquant de portes patio fabriquées de Beauceville.

«C'est ce qu'on appelle du hedging naturel, explique Jean Champagne. Mais comme j'achète moins au Canada, il s'est perdu des emplois ici.»

Pour ses travailleurs, tous ces changements ont également signifié une réduction d'effectif. De 210 employés en 2003, il en reste aujourd'hui 135 en moyenne sur une année.

Malgré cela, la proportion de ses ventes aux États-Unis est en baisse. Il y a cinq ans, quand le huard a amorcé son envol, M. Champagne écoulait la moitié de sa production au sud de la frontière. Aujourd'hui, c'est 30%.

Il a aussi changé sa production: de produits de masse, il est passé à des produits de niche. «C'est une épreuve qui se convertit en opportunité Je suis capable de vivre avec un dollar à parité, mais je ne croîtrai pas.»

Et il a ses concurrents américains à l'oeil. Si lui a pu profiter d'une devise faible pour vendre ses portes de l'autre côté de la frontière, rien n'empêche les Américains de faire la même chose ici, si le huard se maintient au-dessus de la parité.