Le Congrès américain pourrait autoriser dès aujourd'hui un plan d'aide de 15 milliards US aux grands constructeurs automobiles de Detroit.

Le Congrès américain pourrait autoriser dès aujourd'hui un plan d'aide de 15 milliards US aux grands constructeurs automobiles de Detroit.

La Maison-Blanche a indiqué hier qu'un accord sur un plan d'aide était imminent et pourrait être voté «en milieu de semaine». Le plan de 15 milliards US vise à renflouer les coffres de GM et de Chrysler, qui font face à une grave crise de liquidité. Ford, en meilleure santé, demande quant à elle une ligne de crédit de neuf milliards qu'elle espère ne pas avoir à utiliser.

Les constructeurs pourraient commencer à recevoir l'argent dès la semaine prochaine. La présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a exigé que les fonds débloqués le soient sous forme de «prêts relais» et soient remboursés d'ici «quelques semaines».

S'il devrait permettre aux grands constructeurs d'éviter la faillite immédiate, le plan d'aide au Big Three de Detroit sera toutefois loin de régler tous leurs problèmes, ont rappelé hier les analystes.

«Peu importe le financement, on va assister à des fermetures d'usines massives et à des réductions majeures au niveau du nombre de marques commercialisées. Et il va malheureusement continuer à avoir des pertes d'emploi», a dit hier à l'agence Bloomberg Kim Rogriguez, associée principale chez Grant Thornton.

La roulette russe de la faillite

«Le degré de restructuration est beaucoup plus important et profond que ce que les gens croient», a aussi dit Paul Ballew, un ancien analyste aux ventes chez GM qui travaille aujourd'hui pour la firme d'assurance Nationwide Mutual Insurance et qui conseille la Réserve fédérale américaine.

La faillite demeure donc une possibilité bien réelle pour les grands constructeurs américains. De l'unique voie de survie au suicide pur et simple, on considère le recours à la faillite de bien des façons dans l'industrie.

Un passage sous le fameux chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites permettrait aux constructeurs de mener leur restructuration à l'abri des créanciers. Air Canada et United Airlines, par exemple, sont des entreprises qui sont passées par la faillite pour en ressortir plus fortes.

«Ça donne les coudées franches pour pouvoir procéder à des changements majeurs en très peu de temps. Ça a beaucoup de sens, surtout avec ce que permet de faire le chapitre 11 aux États-Unis», dit Louis Hébert, spécialiste en gestion stratégique à HEC Montréal.

«Selon moi, la question, c'est: est-ce que ça va être possible pour ces entreprises de se restructurer en dehors du Chapitre 11?», va jusqu'à se demander M. Hébert... qui croit toutefois qu'on ne verra pas GM, Chrysler ou Ford avoir recours au chapitre 11.

C'est qu'il y a une question à plusieurs millions de dollars dans l'équation. Une question que M. Hébert résume simplement.

«Qui va acheter une auto d'une entreprise en faillite?»

«C'est une question à laquelle personne n'a de réponse, avoue Christian Navarre, spécialiste de l'industrie automobile à l'École de gestion de l'Université d'Ottawa. C'est le jour où on sera dedans qu'on le verra.»

Ceux dont le métier est de fournir des pièces aux trois grands constructeurs pourraient se retrouver sans recours en cas de faillite. Et dénoncent vivement cette option.

Linda Hasenfratz est chef de la direction de Linamar Corporation, un manufacturier de pièces automobiles situé à Guelph, en Ontario. En entrevue à La Presse Affaires, elle a fait planer hier le spectre de 3 millions de pertes d'emploi et de 150 milliards US de coûts pour les gouvernements si l'un des grands constructeurs a recours à la faillite.

«Je parle pour l'ensemble des fournisseurs nord-américains, a dit Mme Hasenfratz. On oublie que seulement 12% des emplois du secteur de l'auto en Amérique du Nord sont chez GM, Ford et Chrysler», dit Mme Hasenfratz.

Ses craintes?

«Voir les comptes à recevoir d'une myriade d'entreprises se retrouver à risque, ce qui entraînerait d'autres faillites et provoquerait un effet domino.»

La journée d'hier a aussi été celle du mea-culpa chez GM. L'entreprise a fait paraître une publicité dans le journal Automative News sous forme de long texte intitulé «Les engagements de GM auprès de la population américaine» dans lequel elle reconnaît avoir «déçu» les Américains.

«À certains moments, nous avons trahi votre confiance en laissant nos standards de qualité tomber sous ceux de l'industrie et nos designs devenir ternes (lackluster)», écrit GM, qui reconnaît aussi avoir laissé proliférer le nombre de marques et le réseau de concessionnaires au point d'avoir «perdu le focus sur le marché des États-Unis» et d'avoir «biaisé» son offre de produits en faveur des camionnettes et des VUS.

34 milliards US

Somme totale demandée par GM, Ford et Chysler pour éviter la faillite et relancer leurs activités.

100 000

Nombre d'emplois éliminés par le Big Three depuis trois ans. L'industrie automobile américaine (fabrication et pièces) emploie environ 827 000 personnes.

25%

Environ le quart des revenus publicitaires des télédiffuseurs régionaux, aux États-Unis, proviennent du secteur automobile.