Le papier recyclé suit les autres ressources: les Chinois n'en veulent plus et le prix tombe. Résultat: le papier s'accumule dans les centres de tri de la planète. Une occasion d'affaires pour des papetières, mais «à très court terme», précise-t-on chez Cascades.

Le papier recyclé suit les autres ressources: les Chinois n'en veulent plus et le prix tombe. Résultat: le papier s'accumule dans les centres de tri de la planète. Une occasion d'affaires pour des papetières, mais «à très court terme», précise-t-on chez Cascades.

«On est très affecté comme tous les autres centres de tri au Québec. Ce n'est pas un recul, c'est un effondrement des marchés de matières premières», constate Pierre Lemoine, président de Groupe Tiru Canada, filiale d'une société française spécialisée dans le recyclage.

Tiru vient de signer un contrat avec la Ville de Montréal lui octroyant pendant 10 ans la collecte sélective dans l'île. Coût du service: zéro dollar la tonne. «Nos plus proches compétiteurs étaient à 5$», précise-t-il.

Tiru doit donc faire ses profits en revendant métal, plastique, papiers et cartons récupérés dans les bacs verts. Le hic, c'est que le prix des ces produits récupérés s'est effondré.

M. Lemoine consulte ses chiffres: le papier recyclé est passé de 131$ à 30$ la tonne en l'espace de quelques semaines; le métal de 342$ à 67$; le plastique a suivi le prix du pétrole passant de 406$ à 98$; et le carton a vu sa valeur passer de 406$ à 44$. Et ça continue à descendre, dit-il.

Espoir de jours meilleurs

«On continue nos opérations, on réussit à vendre grosso modo entre 35 et 40% de la matière entrant au prix que je vous stipule. Quant au reste, on le met en ballot et on espère qu'il y aura des jours meilleurs.»

Pour les papetières qui utilisent ce papier recyclé comme matière première, la chute des prix est bienvenue.

«C'est une manne de pouvoir acheter de la matière première pas chère», explique Pascal Aguettaz, directeur corporatif, responsable des achats de fibres recyclées chez Cascades.

M. Aguettaz met toutefois un bémol sur le moyen terme. «Cascades est aussi le premier récupérateur canadien, donc ce que l'on vend à la sortie de nos centres de tri a perdu 80% de sa valeur sur le marché.»

Les 21 centres de Cascades en Amérique du Nord trient chaque année 1,2 million de tonnes de vieux papiers. La situation est tellement décourageante pour les récupérateurs, que Cascades s'est fait offrir une «vente négative»: des Chinois lui ont proposé de prendre son papier récupéré à Toronto avec un chèque de 10$ par tonne pour que Cascades puisse s'en débarrasser.

Le calcul des Chinois est le suivant: les récupérateurs n'auront bientôt plus d'espace pour entreposer leurs ballots de papier. Dix dollars la tonne, c'est moins cher que les 60$ ou 70$ qu'il en coûterait pour les acheminer au dépotoir.

Optimisme prudent

Au net, Cascades calcule quand même que la baisse du prix du papier récupéré sera positive pour elle. Lors de la publication des résultats du troisième trimestre, Alain Lemaire, président et chef de la direction, ne s'en est pas caché. «Nous sommes prudemment optimistes concernant nos perspectives à court terme étant donné que nous prévoyons bénéficier de la baisse du prix des papiers recyclés, lesquels constituent notre principal coût, tout comme nous devrions profiter de la diminution des coûts de l'énergie et de la dévaluation du dollar canadien», a-t-il écrit il y a un mois.

Chez SFK Pâtes, le chef de la direction Pierre Gabriel Côté se frotte aussi les mains. Sa matière première à lui, ce sont de vieux magazines et des feuilles blanches du bureau. Leur prix a atteint 250$ la tonne l'an dernier. Cette année, c'est aussi peu que 160$, 170$ la tonne.

«C'est substantiel sur nos marges», confie-t-il du cellulaire de sa voiture, précisant que la matière première compte pour 60% de ses coûts de production. Évidemment, ses clients demandent de récupérer une partie de cette baisse. Mais «il y a toujours un délai, c'est comme l'essence avec le prix du pétrole».

Chez Domtar, le vice-président aux communications, Michel Rathier, souligne que, pour la papetière, c'est encore «une question marginale». Domtar achète de la pâte recyclée et son prix n'a pas fléchi. «Dans 90 jours ou quelques mois, on va peut-être sentir un certain mouvement», dit-il.

La papetière Kruger, elle, n'a pas voulu commenter.