La hausse du prix de pétrole fait suer bien des automobilistes. Vendredi, il fallait payer jusqu'à 1,35$ le litre pour remplir son «bazou», presque deux fois plus qu'il y a cinq ans.

La hausse du prix de pétrole fait suer bien des automobilistes. Vendredi, il fallait payer jusqu'à 1,35$ le litre pour remplir son «bazou», presque deux fois plus qu'il y a cinq ans.

Et tout indique qu'il faudra s'y résigner, parce que le prix pourrait encore grimper au cours des prochains mois.

Cette semaine, l'économiste en chef des Marchés mondiaux CIBC, Jeff Rubin, a vu des choses dans sa boule de cristal qui en feront grimacer plus d'un.

Loin de diminuer, selon lui, le litre d'essence au Canada se maintiendra à 1,40$ pendant l'été et grimpera jusqu'à 1,80$ en 2010 et 2,25$ en 2012. Ouch!

Pour les automobilistes, donc, la facture est de plus en salée. Cette facture commence toutefois à réjouir les investisseurs boursiers du secteur pétrolier. Depuis trois mois, l'indice du secteur énergie de la Bourse de Toronto a grimpé de près de 20%.

Certains automobilistes pourraient donc se consoler en achetant des titres du secteur pétrolier. Dans cette perspective, cependant, il faut se poser une question fondamentale: compte tenu de la hausse récente des titres boursiers du secteur pétrolier, est-il encore le temps d'acheter? Est-il préférable d'attendre?

Comme toujours, les avis divergent à cet égard. Sommes-nous face à une bulle pétrolière semblable à la bulle des titres technos en 2000? À l'époque, rappelons-le, il se trouvait toujours de nouveaux analystes pour justifier la hausse faramineuse de titres comme Nortel, par exemple.

Aujourd'hui, faisons-nous plutôt face à une réelle problématique d'offre et de demande de pétrole, phénomène qui dope les prix davantage que le jeu des spéculateurs?

L'analyste Frank Setino, de Gestion d'actifs CIBC, est du côté des acheteurs. D'abord, dit-il, le prix des titres boursiers ne reflète pas encore la hausse récente du prix du pétrole, qui a terminé la journée à 118,52 $ US le baril, vendredi.

Si les cours pétroliers se maintiennent à ce niveau pendant un certain temps, les actions des pétrolières grimperont significativement, croit-il.

Ensuite, il y a de plus en plus de signes démontrant que les producteurs pétroliers ne sont pas en mesure de livrer bien davantage de pétrole. «Je serais un acheteur dans une perspective de long terme», dit-il.

Le Canada: 50% du pétrole privé

L'économiste en chef des Marchés mondiaux CIBC, Jeff Rubin, est réputé pour ses prévisions audacieuses. Son audace donne parfois des résultats tangibles, cependant.

C'est cet économiste qui, le premier, avait prédit que le baril de pétrole brut franchirait les 100$US, l'automne dernier.

Joint au téléphone, Jeff Rubin se dit toujours aussi favorables aux titres pétroliers aujourd'hui malgré la forte hausse récente du prix du pétrole. Outre sa prévision de hausse du prix de l'or noir, deux raisons justifient cet optimisme.

D'abord, l'économiste rappelle que le secteur canadien du pétrole, avec les sables bitumineux, représente 50% de tous les champs pétrolifères privés dans le monde.

Ensuite, il indique que les récentes acquisitions dans le secteur pétrolier se sont faites à des primes de 35 à 45% par rapport à la valeur des titres boursiers ciblés.

«Je crois que nous allons voir plusieurs transactions de ce type dans le secteur pétrolier canadien», dit M. Rubin, l'un des plus enthousiastes parmi les observateurs.

Tous ne partagent pas cet optimiste. Le gestionnaire de portefeuille Luc Grenier, de IA Clarington (Industrielle Alliance), croit que le prix du pétrole est plutôt élevé actuellement, plus qu'il ne devrait l'être.

Selon lui, le prix devrait reculer et se stabiliser à quelque 100 $ US le baril. Quant au gaz naturel, il le voit le prix se stabiliser à 9 $ US le baril (il est actuellement à 10,95 $ US). «Je dis aux gens: attendez qu'il y ait une correction avant d'acheter.»

Cela dit, Luc Grenier estime tout de même que la valeur actuelle des titres du secteur reflète un prix du pétrole qui se situe autour de 70 à 80 $ US le baril plutôt que 100 $ US. Par conséquent, il resterait une bonne marge d'appréciation pour les actions.

Le gestionnaire de portefeuille suggère surtout de miser sur des entreprises qui produisent davantage de gaz naturel, qui sont mieux soutenues par des facteurs fondamentaux.

EnCana Corporation

Son premier choix est la société EnCana Corporation. Cette entreprise de Calgary devrait produire autour de 14$ par action de flux monétaire (cash flow).

«Et ils ont des réserves à ne plus finir», dit M. Grenier, qui croit que le titre procurera 11% de rendement d'ici un an.

L'analyste Frank Setino a également EnCana dans ses titres préférés. Cet analyste de la CIBC voit aussi Canadian Natural Ressources dans sa soupe.

En plus d'EnCana, Luc Grenier nous offre quatre autres possibilités: Addax Petroleum, Nuvista Energy, Galleon Energy et Iteration Energy. «Ce sont des entreprises bien établies avec un management reconnu et respecté», dit M. Grenier.

L'entreprise qui recèle le plus grand potentiel de gain est Iteration Energy (32% d'ici un an). Elle est également plus petite donc vraisemblablement plus risquée (voir tableau ci-contre).

Notez qu'il est également possible d'acheter l'indice du secteur énergétique de la Bourse de Toronto pour profiter du secteur. L'indice est notamment offert par la société Barclays (iShares). Il compte 50 entreprises.

@* LETTRINE 3: L'économiste Jeff Rubin est reconnu pour faire des prévisions audacieuses. Et cette fois encore, il ne mâche pas ses mots.

Selon le stratège en chef des Marchés mondiaux CIBC, le prix du pétrole continuera de grimper et irait jusqu'à presque doubler d'ici 2012, à 225 $ US le baril.

«La question de savoir si nous avons déjà atteint le sommet de la production pétrolière mondiale demeure en suspens, mais il est de plus en plus évident que les perspectives relatives aux réserves de pétrole laissent entrevoir une période de pénurie sans précédent», affirme l'économiste dans un rapport publié jeudi.

Deux phénomènes expliquent cette situation, selon lui. D'abord, la demande de pétrole continue de croître. Certes, la demande des principaux pays industrialisés (OCDE) devrait stagner et même diminuer au cours des prochaines années, avec la hausse des prix.

Par contre, les pays en développement comme la Chine et l'Inde compenseront amplement cette baisse, prévoit-il. La Russie, par exemple, connaît une croissance explosive des ventes de voitures. Et en Inde, la voiture Nano, de Tata, dont le prix de vente commencera à 2500 $ US, promet de faire croître la demande.

L'autre phénomène est l'épuisement progressif de la production pétrolière. Cet épuisement est constaté avec la production de plus en plus grande de gaz naturel dans les gisements pétroliers.

«À mesure que les champs pétrolifères parviennent à maturité, la pression des gisements diminue, ce qui entraîne l'échappement de gaz naturel dissous», écrit-il.

Au Mexique, par exemple, le gigantesque gisement Cantarell se vide rapidement, si bien que ce pays n'exportera plus de pétrole dans cinq ans, prévoit M. Rubin.

En somme, la hausse de la demande et la stagnation de l'offre feront monter les prix, croit-il.