Le Sénat américain se préparait jeudi à voter le premier relèvement du salaire minimum en dix ans, respectant une promesse majeure de la campagne victorieuse du parti démocrate lors des dernières élections.

Le Sénat américain se préparait jeudi à voter le premier relèvement du salaire minimum en dix ans, respectant une promesse majeure de la campagne victorieuse du parti démocrate lors des dernières élections.

Aux termes du projet de loi, le salaire minimum, fixé au niveau fédéral à 5,15 dollars par heure depuis 1997, doit être porté à 7,25 dollars sur deux ans (+40%).

Le sénateur démocrate Edward Kennedy, qui soutient ce projet depuis de longs mois, fait valoir que ce rattrapage est un minimum pour lutter contre le gonflement croissant des rangs des "working poors", ces Américains qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté bien qu'ils détiennent un emploi.

"Pour apporter le même pouvoir d'achat qu'en 1968, le salaire minimum horaire devrait atteindre 9,37 dollars actuellement", a calculé M. Kennedy. Résultat: "le nombre d'employés à temps plein vivant dans la pauvreté a plus que doublé depuis la fin des années 1970, passant de 1,3 million à 2,9 millions. Plus du tiers des adultes qui se font aider par les banques alimentaires ont du travail, et n'arrivent tout de même pas à nourrir leur famille: ça ne devrait pas arriver dans le pays le plus riche du monde", souligne-t-il.

Le vote attendu au Sénat ne met pas pour autant fin au combat de M. Kennedy et des autres partisans de ce relèvement, car l'avenir de cette mesure s'annonce encore difficile.

Certes, le président républicain George W. Bush a répété à plusieurs reprises qu'il était prêt à promulguer la revalorisation du salaire minimum, mais seulement si elle s'accompagne de mesures de soutien en faveur des petites et moyennes entreprises.

Au Sénat, où la majorité démocrate ne tient qu'à un fil, il a été indispensable de tenir compte de cette exigence, et les parlementaires ont accompagné cette mesure sociale de quelque 8,3 milliards de dollars de divers allègements fiscaux.

Mais ce compromis se heurte à de fortes réticences à la Chambre des représentants, où les démocrates, forts d'une majorité plus confortable, ont pu faire voter la revalorisation sans l'accompagner de cadeaux fiscaux.

Le chef de la majorité de la Chambre Steny Hoyer plaide régulièrement pour une mesure brute, sans volet fiscal, ce qui est également la position du puissant président de la commission des affaires fiscales Charles Rangel.

Des négociations vont devoir s'ouvrir pour parvenir à un texte de compromis susceptible d'être avalisé dans les deux Chambres et d'échapper à un éventuel veto présidentiel.

Dans le monde économique, les opinions sont partagées sur l'opportunité de relever le salaire minimum.

Une association représentant les petites entreprises, le "Small Business and Entrepreneurship Council", a exprimé son opposition à toute revalorisation obligatoire décidée au niveau fédéral, qui selon elle pourrait augmenter les coûts salariaux de 41%.

"Une augmentation du salaire d'embauche étouffera la création d'emploi", fait valoir cette association, préférant que le montant des salaires soit dicté par le marché de l'emploi.

La Chambre de commerce américaine est également très réticente à une revalorisation unilatérale sans mesure de compensation bénéficiant aux petites entreprises.

En revanche le premier groupe de distribution américain et mondial, Wal-Mart, dont les magasins à prix bas sont particulièrement prisés des ménages modestes, a plusieurs fois défendu la nécessité de revaloriser le salaire minimum.

Le débat sur le salaire minimum avait été l'un des éléments de la campagne électorale de l'automne, une demi-douzaine d'Etats américains ayant organisé des référendum victorieux sur ce thème à l'occasion des élections parlementaires fédérales.

Dans 28 Etats sur 50, le salaire minimum dépasse ainsi le plancher fixé au niveau fédéral.