Les forêts de l'Indonésie sont déchirées entre deux forces économiques. L'une qui rase les arbres pour planter des palmiers, l'autre qui veut protéger la jungle et vendre le carbone qu'elle renferme.

Les forêts de l'Indonésie sont déchirées entre deux forces économiques. L'une qui rase les arbres pour planter des palmiers, l'autre qui veut protéger la jungle et vendre le carbone qu'elle renferme.

Sur le terrain, les travailleurs du carbone travaillent déjà à bâtir cette deuxième économie de la forêt. Mais ils auront besoin d'aide s'ils veulent la faire prospérer. Dans ce dernier volet de la série, La Presse Affaires examine comment un marché mondial du carbone pourrait freiner la destruction.

Le 13 décembre 2007 à Nusa Dua, en Indonésie. Le monde entier s'est réuni ici sous l'égide des Nations unies pour discuter de la suite à donner au protocole de Kyoto, qui prend fin en 2012.

Au milieu des plages de sable blanc et des hôtels cinq étoiles de l'île de Bali, les scies qui rasent la jungle indonésienne semblent bien loin.

Nous sommes pourtant à un saut d'avion de leur vrombissement. Et en écoutant les discussions, on comprend que les enjeux qu'elles représentent sont en fait bien présents.

Dans la salle de conférence climatisée où siègent les représentants de 190 pays, les visages sont graves. Après 10 jours de pourparlers, les négociations sont dans l'impasse.

Sous les flashs des appareils photo, le premier ministre de la Norvège, Jens Stoltenberg, monte sur l'estrade. Après quelques considérations politiques, son discours bifurque. M. Stoltenberg se met à parler d'arbres.

«La technologie est pourtant connue depuis des milliers d'années, tonne-t-il. Tout le monde sait comment ne pas couper un arbre.»

La déforestation émet 20% des gaz à effet de serre de la planète - la deuxième cause de rejets après la combustion de carburants fossiles. Le hic: le protocole de Kyoto n'inclut toujours pas de mécanisme qui permettrait de la ralentir.

Le sujet est chaud à Bali. Au coeur des discussions: un système qui permettrait de transférer des fonds des pays industrialisés vers les pays en voie de développement pour que ces derniers ne coupent pas leurs forêts.

Le Canada, par exemple, s'est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Mais la tâche est difficile. Et elle coûte cher.

L'idée: permettre au Canada de remplir une partie de ses obligations en finançant la lutte contre la déforestation dans un pays comme l'Indonésie plutôt que de tout faire chez lui.

Si tout fonctionne comme prévu, chacun y trouve son compte. L'Indonésie reçoit de l'argent du Canada pour freiner sa déforestation. Le Canada parvient à remplir ses engagements à meilleur coût que s'il avait tout fait à la maison. Et surtout, moins de carbone est émis dans l'atmosphère puisque moins d'arbres sont coupés.

Si l'idée peut paraître simple, le diable est dans les détails. Et ces détails, Nur Masripatin les connaît par coeur. «Comment prouver que le taux de déforestation a bel et bien ralenti en Indonésie? Qui va le mesurer? Comment? Qui a le droit de vendre du carbone?»

Mme Masripatin est directrice du Centre de recherche et développement sur la sylviculture de l'Indonésie. C'est elle qui a négocié la position de son pays à la plénière de l'ONU.

Elle compte beaucoup sur un éventuel protocole de Kyoto 2 pour obtenir l'argent qui lui permettrait de sauver ses forêts.

«Nous avons des problème avec la déforestation et la dégradation de nos terres, a-t-elle admis à La Presse Affaires. Nous savons qu'il faut faire quelque chose. Mais nous ne pouvons pas le faire avec nos propres ressources. Nous avons besoin de ressources extérieures.»

Mais les négociations internationales, par définition, sont lentes, déplore Mme Masripatin. Dans le meilleur des cas, les discussions de Bali accoucheront d'une entente qui entrera en vigueur en 2012. C'est loin quand on sait qu'en Indonésie, 50 km2 de forêt tombent sous les scies chaque jour.