Le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, a été sommé lundi par les pays membres de faire preuve de doigté pour la mise en oeuvre de son vaste plan anti-corruption alors qu'il a déjà gelé plusieurs programmes d'aide à des Etats considérés comme corrompus.

Le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, a été sommé lundi par les pays membres de faire preuve de doigté pour la mise en oeuvre de son vaste plan anti-corruption alors qu'il a déjà gelé plusieurs programmes d'aide à des Etats considérés comme corrompus.

"La nouvelle stratégie de la Banque mondiale sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption ne devrait pas mettre en danger la mission principale de la Banque, à savoir la réduction de la pauvreté", a souligné le ministre sud-africain des Finances Trevor Manuel devant le Comité de développement lundi.

Cette instance dirigeante de la BM s'est réunie à Singapour à la veille de son assemblée annuelle. Tous ses membres se sont dits favorables à la lutte contre la corruption d'une manière générale mais ont émis des réserves sur les moyens d'y parvenir.

L'ancien "faucon" du Pentagone Paul Wolfowitz, à la tête de la Banque mondiale depuis 15 mois, mène une campagne acharnée depuis le printemps en faveur de sa stratégie anti-corruption.

"Il ne s'agit pas de réduire les prêts, il ne s'agit pas de se désengager de régions où il y a des problèmes", s'est-il défendu devant la presse à l'issue de la réunion, rappelant que les aides débloquées affichaient une hausse de 9%.

Son projet vise à renforcer les critères d'octroi des aides et prêts au regard de la bonne gouvernance des pays récipiendaires, aider les pays frappés de corruption à en sortir et renforcer la formation des équipes de l'institution sur le terrain afin d'éviter de perpétrer ces pratiques répréhensives.

Cependant son idée de fermer le robinet d'aides aux pays présentant un risque important que l'argent débloqué aille dans les "poches et comptes en banque de dirigeants corrompus" plutôt qu'aux populations dans le besoin, selon ses termes, a soulevé lundi des critiques acerbes.

Aussi, le communiqué final du Comité de développement a insisté sur "l'importance de la surveillance par le conseil d'administration (de la Banque mondiale) de cette stratégie lorsqu'elle sera développée et mise en oeuvre".

Ce conseil regroupe les 24 représentants des 184 Etats membres et siège à Washington.

La proposition de geler des aides a provoqué des critiques tant de la part des pays riches que des pays en développement.

Le ministre français de l'Economie et des Finances, Thierry Breton, a averti que si la Banque mondiale voulait avoir un véritable impact sur la gouvernance des pays considérés comme corrompus "elle doit restée engagée".

"La tentation de se retirer, même partiellement, n'est pas le bon chemin pour s'attaquer aux problèmes de corruption", a-t-il dit.

Récemment le président de la Banque mondiale avait déjà gelé plusieurs programmes d'aides notamment au Congo et en Inde car il jugeait qu'il y avait un risque que l'argent n'aille pas aux bénéficaires prévus.

La ministre néerlandaise du Développement Agnès Van Ardenne a mis en garde devant le danger de décisions arbitraires. "L'évaluation devrait être faite sur la base de critères clairs, transparents et objectifs et non pas sur la base de simples impressions", a-t-elle déclaré.

"Une des leçons clé des 60 ans d'existence de la Banque mondiale est que le développement ne peut être imposé à un pays, mais qu'il doit être réalisé par un pays", a noté le président de la banque centrale du Brésil, Henrique Campos Meirelles.

Pour le ministre chinois des Finances, Jin Renqing, dont le pays est régulièrement épinglé en matière de corruption, la Banque mondiale devrait se garder de "politiser" ses activités et de s'ingérer dans les affaires intérieures des pays. Elle ferait mieux "de renforcer la voix des pays en développement" et d'"augmenter son efficacité".

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