Air Canada ne fait pas preuve de discrimination en interdisant à ses pilotes de travailler au-delà de 60 ans, a tranché vendredi le Tribunal canadien des droits de la personne dans une décision qui touche à un phénomène grandissant: la volonté de certains de repousser le moment de la retraite.

Air Canada ne fait pas preuve de discrimination en interdisant à ses pilotes de travailler au-delà de 60 ans, a tranché vendredi le Tribunal canadien des droits de la personne dans une décision qui touche à un phénomène grandissant: la volonté de certains de repousser le moment de la retraite.

«La politique de retraite obligatoire d'Air Canada ne constitue pas une pratique discriminatoire en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne», écrivent les trois membres du Tribunal qui ont pris part à la décision, dont le président, Grant Sinclair.

«Les distinctions basées sur l'âge sont perçues comme étant équitables et elles ne portent pas atteinte à la dignité humaine parce que nous pouvons tous nous attendre à profiter de leurs avantages et à subir leurs inconvénients à un moment de notre vie», ajoute le Tribunal.

Jusqu'en novembre dernier, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) recommandait aux pays membres, dont le Canada, de fixer l'âge maximal de la retraite, pour les pilotes et co-pilotes, à 60 ans. En novembre dernier, l'OACI a relevé ce seuil à 65 ans, ce qui a incité certains pays, dont les Etats-Unis, à faire de même.

Or, les deux pilotes qui sont à l'origine de la décision du Tribunal, George Vilven et Robert Neil Kelly, ont eu 60 ans respectivement en 2003 et 2005.

Le Tribunal considère donc que la norme, à l'époque, était la retraite à 60 ans, du moins au sein des grands transporteurs aériens nationaux d'Occident, comme Air Canada.

M. Vilven, 62 ans, s'est évidemment dit déçu de la décision.

«Je me suis dit que ça pourrait peut-être aller dans ce sens-là, mais j'avais tout simplement pris pour acquis qu'au Canada, ce ne serait pas le cas», a-t-il commenté dans un entretien téléphonique.

M. Vilven a non seulement dû se battre contre Air Canada, mais aussi contre l'Association des pilotes du transporteur (APAC), qui appuie la politique de retraite obligatoire.

Le président de l'APAC, Andy Wilson, s'est réjoui que la décision confirme le droit du syndicat de négocier librement l'âge de la retraite avec l'employeur.

En avril 2006, les pilotes ont décidé, «dans une proportion de trois contre un», qu'ils soutenaient ce système en place depuis plus de 50 ans, a précisé M. Wilson.

Air Canada a également salué la décision.

«Cela confirme que notre politique de retraite respecte la loi», a affirmé un porte-parole, Peter Fitzpatrick.

La Charte est respectée

La «Fly Past 60 Coalition», un groupe de pression qui lutte contre la retraite obligatoire à 60 ans, contestait la constitutionnalité d'un article de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui permet aux entreprises de licencier leurs employés après un certain âge.

«Même si l'article prive les plaignants de la possibilité de contester la politique de retraite obligatoire imposée par leur employeur, il ne porte pas atteinte à leur dignité, pas plus qu'il ne les empêche d'être reconnus comme des membres à part entière et égaux de la société», estime le Tribunal, précisant du coup que la Charte canadienne des droits de la personne était respectée.

Le Tribunal cite des jugements rendus au cours des dernières années par la Cour suprême du Canada et qui permettent certains traitements différentiels fondés sur l'âge.

L'organisme judiciaire convient que d'être poussé à la retraite à 60 ans «a un impact profond sur la confiance en soi et la dignité», surtout quand on occupe un poste prestigieux et bien rémunéré comme les pilotes d'Air Canada, mais que cet inconvénient est neutralisé par des avantages comme le généreux régime de retraite du transporteur.

Il reste à voir si d'autres pilotes tenteront de relancer les procédures maintenant que l'OACI a porté à 65 ans l'âge limite recommandé pour les pilotes du monde.

En plus de toucher des pensions dont le montant varie entre 6000 et 10 000 $ par mois, MM. Vilven et Kelly ont continué à travailler comme pilotes après leur départ d'Air Canada. La vaste majorité des autres transporteurs canadiens n'imposent pas d'âge limite pour les pilotes, et M. Kelly touche 72 000 $ par année en travaillant chez SkyService, une société ontarienne.

Au Canada, les pilotes âgés de plus de 40 ans doivent subir des examens médicaux tous les six mois. Avant cet âge, les examens doivent avoir lieu au moins une fois par année.