«Avant c'était simple de prévoir le prix du blé : on regardait la météo.»

«Avant c'était simple de prévoir le prix du blé : on regardait la météo.»

Les choses se sont compliquées depuis, estime le vice-président aux opérations de la boulangerie Première Moisson, Stéphane Fiset.

«Ça ne dépend plus des récoltes maintenant, les céréales sont devenues un véritable marché financier. On annonce de belles récoltes cette saison au Québec, mais le prix peut quand même continuer de monter.»

La production d'éthanol et la diminution des stocks agricoles a fait grimper le prix du maïs. Une appréciation de 70% en un an. La production de biodiésel a fait la même chose pour le prix du soya. Le blé a suivi.

«Les superficies réservées au maïs ont atteint des sommets cette année au Canada et aux États-Unis. On devrait voir la même chose au Brésil et en Argentine», dit Daniel-Mercier Gouin, titulaire de la Chaire d'analyse des politiques agricoles de l'Université Laval.

On peut aussi voir des pays qui ne cultivaient pas le maïs entrer dans la danse. Des pays de l'hémisphère-sud. La Chine, notamment, précise le professeur. «Il devrait y avoir des hausses de superficies durant trois ou quatre ans. À un moment donné, on va combler la demande», dit-il. D'autant que les rendements sont phénoménaux avec les nouvelles variétés de maïs hybrides.

«Ça fait 30 ans que le prix des céréales stagne parce qu'il y en avait beaucoup, explique Stéphane D'Amato, agronome, président d'Axis Agriculture, groupe-conseil pour les producteurs de grains. L'éthanol créer un changement structurel de la demande et le prix du maïs va très probablement demeurer très élevé durant plusieurs années.»

La valeur des céréales est décidée à la Bourse de Chicago. En mai 2006, un producteur québécois recevait 119 $ pour une tonne de maïs. Il a reçu 179 $ pour la même quantité le mois de mai dernier.

«Ça paraît très élevé, mais les moyennes étaient auparavant bien en dessous du coût de production», rappelle l'agronome Luc Belzile de la Fédération des producteurs de cultures commerciales. Une tonne de maïs coûte environ 190 $ à produire, selon la Fédération.

On est donc loin du Klondike. Surtout qu'auparavant, le taux de change avantageait les producteurs québécois. Aujourd'hui, c'est plutôt l'inverse. Le maïs et le soya américains sont devenus incroyablement attirants sur le marché international. Au détriment des céréales québécoises.

Comment les producteurs arrivent-ils à vivre décemment dans ce contexte ? «L'endettement a augmenté beaucoup et les revenus hors ferme aussi, dit Luc Belzile. On se transporte vers un modèle qui ressemble plus à ce qu'il y a dans l'Ouest canadien où la famille vit de ses revenus à l'extérieur de la ferme. La conjointe a un travail à temps plein et le producteur fait du transport ou du déneigement l'hiver.»