Malgré ses 50 ans à la tête d'une compagnie prospère, Yvon Chouinard n'a jamais éprouvé de respect pour le domaine des affaires, qu'il juge en grande partie ennemi de la nature et empoisonneur de terre.

Malgré ses 50 ans à la tête d'une compagnie prospère, Yvon Chouinard n'a jamais éprouvé de respect pour le domaine des affaires, qu'il juge en grande partie ennemi de la nature et empoisonneur de terre.

Dans son autobiographie, Homme d'affaires malgré moi, il affirme d'ailleurs que sa propre entreprise – le fabricant d'équipement et d'articles de plein air Patagonia – n'est pas une fin en soi, mais «juste un moyen de payer nos factures et de nous permettre d'aller grimper les montagnes».

Cet entrepreneur (né d'un père québécois) qui a grandi et qui vit toujours en Californie a érigé une organisation qu'il qualifie d'expérimentale.

Elle a été parmi les premières aux États-Unis à instaurer des garderies en milieu de travail, des congés de maternité et de paternité, des cafétérias végétariennes, des horaires variables pour permettre à ses employés d'escalader, skier, surfer, etc. Yvon Chouinard cherchait ainsi à faire tomber les barrières entre le travail, les loisirs et la famille.

Son côté innovateur s'est aussi manifesté sur le plan de la fabrication, car l'entreprise a offert dès 1980 des vêtements en polypropylène, capilene et synchilla, des tissus devenus incontournables dans la pratique des sports de plein air.

Mais Patagonia s'est surtout démarquée par son approche environnementale, bien avant que cela devienne une préoccupation en affaires.

Dès le début des années 70, constatant que les pitons (clous enfoncés dans les parois rocheuses par les alpinistes) détruisaient les rochers, la compagnie, alors nommée Chouinard Equipment, cessa d'en fabriquer pour les remplacer par des coinceurs se glissant dans les fissures.

En apparence banal, le virage était audacieux, car les pitons représentaient à ce moment 80% des revenus de la boîte.

Ce respect de l'environnement est devenu la marque de commerce de Patagonia et demeure au coeur de ses décisions. La société est d'ailleurs à l'origine du mouvement «1% for the planet», qui encourage les entreprises de tous les secteurs à verser au moins 1% de leur chiffre d'affaires dans des actions de protection et réhabilitation d'espaces naturels.

Esprit libre et innovateur, Chouinard a toujours tiré satisfaction à briser les règles et élaborer ses propres méthodes. Ses valeurs reposent davantage sur le bien de chacun que sur la quête du profit à tout prix. Il présente donc dans son ouvrage les philosophies sur lesquelles l'organisation a été bâtie. L'entrepreneur y détaille sa vision tout en évoquant ses erreurs et ses périodes creuses.

Avec conviction, il cherche surtout à démontrer l'urgence, pour les décideurs et les individus, de revoir priorités, choix de consommation et modes de vie, question d'assurer notre bien-être et la survie de notre monde. «Si vous avez les capacités de faire le bien et que vous ne faites rien, cela peut être mal.»

Homme d'affaires malgré moi : confessions d'un entrepreneur qui veut sauver la planète, (traduction de Let My People Go Surfing), Yvon Chouinard, Les Éditions Transcontinental, 2007, 282 pages.

Prix suggéré : 24,95 $.

3,5 étoiles

L'auteur est journaliste pigiste et chroniqueur-associé à la librairie Coop HEC Montréal (www.coophec.com)