Le scénario d'une chute brutale de la croissance américaine est sous-évalué par les analystes financiers qui croient encore en une poussée des marchés boursiers, l'an prochain.

Le scénario d'une chute brutale de la croissance américaine est sous-évalué par les analystes financiers qui croient encore en une poussée des marchés boursiers, l'an prochain.

"Il y eu affaissement de la croissance, voire récession dans la foulée d'un sommet du taux directeur de la Fed, 14 fois sur 15", souligne en entrevue Hans-Guenter Redeker, chef mondial des stratégies de change chez BNP Paribas. Établi à Londres, il était de passage à Montréal hier, ultime étape d'une tournée pan-canadienne.

M. Redeker définit l'affaissement de la croissance (hard landing) par une expansion maximum de 1% alors qu'il retient la définition classique de récession, soit deux trimestres d'affilée de croissance négative.

Devant pareille éventualité, la Réserve fédérale, qui navigue à vue plutôt que de se fixer une cible d'inflation comme la Banque du Canada n'aura d'autre choix que d'abaisser de manière dramatique son taux directeur afin de relancer la croissance et stimuler la confiance des investisseurs promis à des jours orageux. De 5,25% qu'il est aujourd'hui, le taux des Fed funds pourrait ne s'élever qu'à 3% à la fin de l'an prochain.

Pareil revirement aura l'effet d'une douche froide sur le dollar américain qui devrait se déprécier au profit du yen et de l'euro, mais pas du dollar canadien à court terme.

Le marasme américain fera tache d'huile sur l'économie canadienne en provoquant une correction sur les prix des biens industriels (les métaux de base notamment), du pétrole et du gaz naturel. La valeur des exportations canadiennes devrait faiblir puisque nos expéditions à l'étranger sont surtout destinées au marché américain.

"Le degré de faiblesse des exportations vers les États-Unis déterminera l'ampleur du ralentissement de l'économie canadienne", prédit M. Redecker.

Le marché de l'habitation remplace la Bourse NASDAQ comme déclencheur des perturbations de l'économie américaine. Tout comme elle au début de la décennie, il a créé une bulle entre 2002 et 2005 qui ne se dégonflera pas, mais qui éclatera. L'effet de richesse des ménages s'évanouira du coup.

Leur confiance diminuera, suivra leur consommation, d'autant plus que les faibles hausses de salaire ont toutes été absorbées par la poussée des prix de l'énergie. Leur repli des derniers mois ne compensera pas la perte de l'effet de richesse.

De ce côté-ci de la frontière, le dollar canadien a dépassé sa parité de pouvoir d'achat, signe qu'il est surévalué par rapport à d'autres devises.

M. Redeker le voit à 80 cents US d'équivalence à la fin de 2007. "Il reprendra sa poussée en 2008 jusqu'à 90 cents parce que le pétrole ne peut que s'apprécier à long terme. Or, le Canada dispose des réserves prouvées les plus importantes après celles de l'Arabie Saoudite."

Si elle s'avérait, cette prévision aurait de quoi réjouir les exportateurs canadiens. Pourtant, Stephen Poloz économiste en chef d'Exportations et développement Canada leur suggère de ne pas pavoiser. "Les exportations canadiennes devraient augmenter de 3% en 2006, avant de reculer de 1% en 2007", prédit-il.

Au Québec, si le matériel de transport devrait bien faire, ce ne sera pas le cas encore du secteur forestier où le marasme américain fera fondre les livraisons de bois, de pâtes et de papier journal.

M. Poloz fonde ce scénario en prévoyant une croissance de 2,4% de l'économie canadienne l'an prochain, soit bien près du scénario de référence de 2,5% de la Banque du Canada. Comme elle cependant, il est d'avis que le risque à la baisse d'un tel scénario serait un ralentissement plus prononcé de l'économie américaine.

En pareil cas, le scénario noir de M. Redeker pourrait bien se matérialiser.

En attendant, on regardera avec soin les chiffres de la balance commerciale en septembre, ce matin. Depuis plusieurs mois, notre surplus est attribuable aux exportations d'énergie. Or, le prix du pétrole a baissé au cours du mois, ce qui devrait réduire à la fois nos exportations et nos importations. Quant au gaz naturel, principal élément du surplus commercial, son prix a baissé en septembre par rapport à août. Par bonheur, il remonte depuis.