Toutes les vedettes finissent un jour par sombrer dans l'oubli. Depuis cinq ans, les fiducies de revenu sont devenues les rock stars du marché boursier canadien. Leur règne a pris fin abruptement lundi à Ottawa. Portrait d'une carrière basée sur un seul hit: les avantages fiscaux.

Toutes les vedettes finissent un jour par sombrer dans l'oubli. Depuis cinq ans, les fiducies de revenu sont devenues les rock stars du marché boursier canadien. Leur règne a pris fin abruptement lundi à Ottawa. Portrait d'une carrière basée sur un seul hit: les avantages fiscaux.

Une fiducie n'est pas une société par actions. Mais sa structure n'est pas si différente. Les fiducies distribuent des fonds à leurs détenteurs de parts. Les sociétés traditionnelles, elles, versent des dividendes à leurs actionnaires. Comme les sociétés par actions, les fiducies peuvent tenter leur chance sur les marchés boursiers.

"Créer une fiducie est très simple, dit Frédéric Harvey, associé au cabinet d'avocats McCarthy Tétrault. C'est un document d'une cinquantaine de pages. Ça se complique si la fiducie veut s'inscrire en Bourse. Elle doit alors faire un prospectus et répondre aux mêmes exigences qu'une société par actions inscrite en Bourse."

La Bourse de Toronto a accueilli sa première fiducie en 1928. Une entrée discrète. Il a fallu attendre les années 80 avant de voir apparaître les premières fiducies de revenu sur les marchés boursiers canadiens. "Elles ont d'abord été utilisées dans l'ouest du pays pour des projets dans le domaine de l'énergie, dit Me Harvey. Par exemple, une société hydroélectrique qui exploite des barrages les vend à une fiducie et s'engage à lui acheter de l'électricité à long terme. Le risque du projet est très faible et la fiducie bénéficie de revenus stables."

Après l'éclatement de la bulle technologique, plusieurs investisseurs maugréant contre le marché boursier se sont tournés du côté des fiducies de revenus. "Au début, les fiducies étaient des entreprises matures capables de générer beaucoup de revenus, dit Me Harvey. Elles étaient des placements sûrs après la bulle techno. On les vendait comme un flux de revenus intéressant."

Dans un tel contexte, les fiducies de revenu sont vite devenues les rock stars du marché boursier canadien. Et les sociétés par actions, des artistes de deuxième ordre.

Selon Len Farber, conseiller principal en fiscalité au cabinet d'avocats Ogilvy Renault, le coup qui a permis aux fiducies de littéralement décollé a été donné par l'Ontario et l'Alberta en 2004. Les deux provinces ont alors adopté une loi limitant la responsabilité des détenteurs de parts de fiducies de revenu. "Il y avait encore un certain flou juridique à savoir si les détenteurs pouvaient être tenus légalement responsables des actions de la fiducie, dit M. Farber, un ancien haut fonctionnaire du ministère des Finances du Canada. Le risque était très faible, mais la question n'était pas réglée. Ces lois provinciales ont créé un climat propice à l'investissement dans les fiducies. Et pas seulement les fiducies du secteur de l'énergie."

Une lutte fiscale inégale

Les fiducies ont bénéficié de la bulle techno et la crise de confiance des investisseurs. Mais elles doivent d'abord et avant tout leur succès au système fiscal canadien, qui leur conférait un taux d'imposition au moins 10% moins élevé que celui des sociétés par actions jusqu'en novembre 2005.

Contrairement aux sociétés par actions, les fiducies ne paient pas d'impôts. Le fisc se sert plutôt dans le portefeuille du détenteur de parts, qui ajoutent les fonds versés par la fiducie à ses revenus annuels. Les profits des sociétés par actions, eux, sont imposés à deux reprises. La société est d'abord imposée sur ses profits. Les actionnaires paient le reste de la facture sur leurs dividendes.

En novembre 2005, le gouvernement fédéral a tenté un grand coup: réduire l'impôt sur les dividendes pour ramener les fiducies et les sociétés par actions à égalité.

La paix fiscale n'a pas convaincu tous les investisseurs de cesser de s'intéresser aux fiducies. Les caisses de retraite, en particulier, n'en avaient cure de la réduction d'impôt sur les dividendes: elles sont déjà exemptées d'impôt! "Le problème était réglé du côté des particuliers qui résident au Canada, résume Me Harvey. Mais les fonds de retraite et les non-résidents étaient toujours avantagés par les fiducies de revenu." Jusqu'à lundi dernier, quand les rock stars de la Bourse canadienne ont soudainement pris un coup de vieux.

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