BCE pourrait bien opter pour une autre voie que la privatisation, ont soutenu ses dirigeants lors de l'assemblée annuelle de ses actionnaires, mercredi à Montréal.

BCE pourrait bien opter pour une autre voie que la privatisation, ont soutenu ses dirigeants lors de l'assemblée annuelle de ses actionnaires, mercredi à Montréal.

«La privatisation a reçu beaucoup d'attention médiatique, mais je dois vous avertir que c'est seulement l'une de nos options», a tenu à répéter le PDG Michael Sabia à la presse, après quelques remarques similaires durant l'assemblée.

La présidente du comité de surveillance de l'examen stratégique en cours, Donna Kaufman, a elle aussi tenté de rajuster les attentes des actionnaires.

«Bien que la possibilité d'une privatisation de l'entreprise ait principalement retenu l'attention des médias, d'autres options sont aussi examinées activement par le Conseil», a-t-elle déclaré.

Mais ni M. Sabia ni Mme Kaufman n'ont voulu préciser quelles pourraient être les autres avenues pour Bell, désormais convoitée par trois consortiums.

«L'autre issue possible, ce serait une fusion entre Bell et Telus», rappelle le gestionnaire Marc L'écuyer, de Cote 100. Mais la privatisation lui semble un scénario plus réaliste à cause de réticences probables de Telus à payer le gros prix pour sa rivale.

«À cause des lois de la concurrence, Telus pourrait devoir vendre certains actifs, souligne-t-il. Ça enlève de l'attrait à Bell. Telus ne sera sans doute pas prête à payer autant que les autres.»

Si trois offres sérieuses sont déposées, le gestionnaire estime que le prix d'achat pourrait atteindre 45 $ l'action. Le titre se négociait à 39,50 $ mercredi après-midi.

Le statu quo lui semble en tout cas invraisembable, même si BCE a rappelé en assemblée que rien ne garantissait une transaction.

«Maintenant qu'au moins trois parties sont intéressées, et quand on sait que les actionnaires font des pressions, il est peu probable qu'il ne se passe rien, explique-t-il. Ça ferait retomber l'action.»

Le président du conseil d'administration, Richard Currie, a par ailleurs révélé que la compagnie avait été approchée par un acheteur potentiel dès février, soit bien avant sa mise en jeu en avril, mais qu'elle l'avait éconduit.

«À la mi-février, des intérêts privés ont communiqué avec BCE, a-t-il rapporté. Le conseil a soigneusement considéré l'option dans le cadre de son exemen continu de la stratégie de l'entreprise, puis a informé les parties que nous ne souhaitions pas poursuivre les discussions.» Il n'a pas précisé de quel candidat il s'agissait.

Michael Sabia a consacré une bonne partie de son allocution à tenter de démontrer aux actionnaires que Bell était en train de prendre un virage de croissance, à la faveur des changements technologiques, et que seule l'ambition des fonds privés à son endroit l'amenait à considérer une transaction.

«La stratégie que nous sommes en train de réaliser a mis Bell sur la voie de la création de valeur», a-t-il soutenu.

«Mais les paysages évoluent, les contextes changent, et nous faisons face à de nouvelles circonstances, a poursuivi M. Sabia. C'est une réalité qui découle de l'expansion des marchés des placements privés. Une tendance qui a cours partout dans le monde. Qui n'est ni mauvaise ni bonne.»

Dans ce contexte, a-t-il conclu, entreprises et investisseurs doivent faire une «analyse rationnelle de propositions de valeurs concurrentes».

Le titre de Bell a gagné 16 % entre mars 2006 et mars dernier, soit le dernier mois avant le début des spéculations qui l'ont soulevé. Sur cinq ans, toutefois, il a pratiquement stagné. Les profits du dernier exercice n'ont augmenté que de 3%, alors que les revenus reculaient.

Les syndicats piaffent

L'assemblée a d'autre part été marquée par des remous syndicaux, à commencer par une manifestation contre la sous-traitance tenue à l'entrée du Centre Mont-Royal, au centre-ville de Montréal. Deux leaders syndicaux se sont aussi amenés au micro.

«On a fait des concessions majeures, on a accepté un gel salarial, mais la sous-traitance s'amplifie à un rythme alarmant», a dénoncé le vice-président de l'Association canadienne des employés en télécommunications (ACET), Danny Taurozi, qui représente 12 000 employés de Bell.

L'Association a d'ailleurs annoncé qu'elle enverrait cette semaine une lettre aux partis politiques fédéraux pour réclamer qu'Ottawa légifère contre la sous-traitance.

L'ACET se plaint d'avoir accepté un gel salarial de quatre ans en 2005, pour protéger des emplois qui sont finalement menacés quand même.

Outre le cas connu du déplacement récent d'une partie du service d'activation de lignes vers l'Inde, M. Taurozi rapporte qu'une partie des services à la clientèle, des services de gestion de crédit, de collecte et de réparation ont été confiés à des tiers.

«En tout, des milliers d'emploi ont été donnés en sous-traitance au cours des dernières années», résume-t-il. Selon lui, une privatisation pourrait aggraver la situation.

Confronté aux critiques des représentants syndicaux et aussi d'employés outrés, Michael Sabia n'a pas nié miser sur la sous-traitance. Bell n'a pas le choix de réduire ses coûts pour demeurer compétitive, a-t-il plaidé. «On ne contrôle pas les consommateurs.»