Question: La Bourse est en baisse de 17% depuis le sommet. Doit-on parler de correction, de marché baissier ou de krach?

Question: La Bourse est en baisse de 17% depuis le sommet. Doit-on parler de correction, de marché baissier ou de krach?

Réponse: On parle d'une correction boursière lorsque la Bourse est en baisse de 10% par rapport à son sommet. On entre dans un marché baissier (bear market) lorsque le recul se chiffre à plus de 20%.

Avec la baisse de 604,98 points lundi, la Bourse canadienne a glissé de 17% par rapport à son sommet. Aux États-Unis, le marché a fondu de 15% depuis son sommet d'octobre dernier. Mais les parquets étaient fermés, lundi.

Il est probable qu'ils perdent 5% dès l'ouverture, ce matin (mardi). L'ours sera alors tout près de sortir de sa tanière.

Mais on est loin d'un krach qui se définit plutôt comme un effondrement brusque et généralisé des cours, en une seule journée, comme en 1929 ou en 1987.

«Il n'y a plus de demande, juste des vendeurs. C'est comme si on coupait la corde d'un ascenseur. Ça tombe!» illustre Jacques Préfontaine, professeur de finance à l'Université de Sherbrooke.

Q: Qu'est-ce qui a déclenché la tempête boursière, la pire depuis le 11 septembre 2001?

R: En trame de fond, il y a la crise de crédit. Depuis quelques semaines, les banques ont annoncé des pertes monstres, à cause des produits financiers liés aux hypothèques à risque (subprimes) aux États-Unis.

À cela s'ajoute la crainte que les consommateurs flanchent et que l'économie américaine sombre en récession.

«Clairement, le plan de relance du président Bush, vendredi dernier, n'a pas réjouit les investisseurs. C'était mal ficelé», dit Pierre Lapointe, stratège adjoint à la Financière Banque Nationale.

Mais pour Yves Marçais, stratège de la maison de courtage Global Equities, le véritable déclencheur de la «purge boursière» est ailleurs: «La chute des Bourses est principalement due à l'effondrement des rehausseurs de crédit», a-t-il confié à l'AFP.

Q: En quoi les rehausseurs de crédit aggravent-ils la crise?

R: Les rehausseurs de crédit jouissent d'une cote de crédit impeccable, triple A. Ils s'en servent pour garantir toutes sortes d'obligations émises par des tiers, dont des titres adossés à des créances les fameux subprimes.

Mais voilà qu'eux aussi sont dans le pétrin. La firme Ampac annonçait la semaine dernière des pertes de 3,5 milliards. Son projet de refinancement de 1 milliard a échoué à cause des mauvaises conditions de marché.

Vendredi, les agences d'évaluation de crédit ont dû réduire sa cote.

C'est loin d'être une anecdote. Selon Bloomberg, les rehausseurs de crédit garantissent quelque 2400 milliards de dollars. Une décote leur ferait perdre 200 milliards et créerait un effet domino: «Si les rehausseurs de crédit s'effondrent, ils vont contraindre l'ensemble du secteur bancaire (qui comptait sur leur garantie) à inscrire de nouvelles dépréciations d'actifs. C'est une nouvelle digue qui est en train de sauter, alors qu'on n'a même pas fini d'identifier tous les effets de la crise des subprimes», explique M.Marçais.

Q: La Bourse est-elle au bout de ses peines?

R: Rien n'est moins sûr. Lorsque l'économie américaine tombe en récession, l'indice S&P500 s'effrite en moyenne de 30%, a calculé Vincent Deslisle, stratège aux Marchés des capitaux Scotia.

Parfois les baisses sont encore plus sévères. En 2001, les Bourses américaines et canadiennes ont cédé la moitié de leur valeur.

Bref, si l'histoire est garante de l'avenir, la correction n'est peut-être qu'à mi-chemin.

Q: Peut-on protéger son portefeuille?

R: Dans le contexte actuel, les obligations devraient mieux faire que les actions, dit M. Lapointe. Pour redémarrer l'économie, les banques centrales vont abaisser les taux d'intérêt, ce qui augmentera la valeur des obligations existantes.

Mais, il faut éviter de fuir la Bourse en panique. «Ceux qui ne dorment plus la nuit doivent comprendre que la Bourse amène son lot de risque», rappelle M. Delisle.

La correction leur a permis de mesurer à quel point leur répartition d'actif ne correspond pas à leur tolérance au risque, à quel point leur portefeuille est trop exposé à la Bourse. Ils devront ajuster mais pas en vendant tout de suite.

«La clé serait d'attendre un rebond du marché pour sortir», dit M. Delisle.

Q: Doit-on sauter sur les aubaines?

R: À l'inverse, d'autres investisseurs voient la chute du marché comme une belle occasion de repêcher des aubaines. Il est vrai que certains titres ont plongé depuis trois mois.

Parmi les titres les plus suivis des investisseurs québécois, plusieurs ont perdu plus du quart de leur valeur: Quebecor World est en baisse de 98%, Mega Brand -63%, Air Canada -45%, Neurochem -40%, Groupe Canam -34%, Labopharm -32%, Transat AT -32%, Rona -31%, Garda World -31% et Transcontinental -29%. Les banques sont aussi en forte baisse.

«Il y aura éventuellement de belles occasions. Mais il ne faut pas s'attendre à un rebond soutenu avant plusieurs mois», dit M. Deslisle.