Le projet de loi du ministre Claude Béchard sur la transparence dans la vente de l'essence se dirige tout droit vers les oubliettes de l'Assemblée nationale. L'Action démocratique du Québec et le Parti québécois entendent voter contre.

Le projet de loi du ministre Claude Béchard sur la transparence dans la vente de l'essence se dirige tout droit vers les oubliettes de l'Assemblée nationale. L'Action démocratique du Québec et le Parti québécois entendent voter contre.

Les deux partis d'opposition ont tranché moins de 24 heures après le dépôt du projet de loi.

«Je ne verrais pas en quoi le projet de loi va vraiment aider les consommateurs. Ce document illustre l'échec du ministre vis-à-vis les pétrolières», a affirmé le critique adéquiste en matière d'énergie, Richard Merlini.

Le caucus adéquiste, qui s'est déjà prononcé contre les intentions du ministre cet été, devrait rejeter le projet de loi une fois de plus selon lui.

Déchaîné, le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, a traité son vis-à-vis adéquiste de «tapis de porte des pétrolières».

Richard Merlini a laissé entendre que l'augmentation du prix de l'essence de 1,06$ à 1,15 $ le litre enregistré à Montréal mercredi est en partie attribuable à la sortie de Claude Béchard.

«Est-ce que déjà, suite à l'annonce de ça, les pétrolières ont prévu un certain coût et l'ont déjà mis dans leur prix au litre?» s'est-il demandé.

«Le ministre a parlé et le prix de l'essence s'est mis à monter», a-t-il ajouté.

Les pétrolières menacent de refiler aux automobilistes le coût des nouvelles obligations qui leur seraient imposées.

«Oui, on veut qu'il y ait une transparence. Oui, les pétrolières en veulent aussi, mais quelque chose qui serait de façon raisonnable pour ne pas que le consommateur se retrouve en bout de ligne à payer la note», a expliqué M. Merlini.

Au cours de la période des questions en Chambre, Claude Béchard a accusé l'opposition officielle d'être «à plat ventre» devant les pétrolières.

«Être porte-parole de l'industrie pétrolière au Québec, je serais extrêmement nerveux, parce que le député de Chambly est vraiment en train de lui voler sa job», a-t-il lancé.

Avec son projet de loi, Claude Béchard veut obliger les pétrolières à informer la Régie de l'énergie de toute modification au prix à la pompe et à justifier toute hausse.

Des explications écrites seraient exigées si les raisons invoquées ne font pas partie d'un choix de réponses prédéterminées par la Régie dans lequel figurerait la hausse du prix du pétrole brut par exemple.

Claude Béchard souhaite également que les détaillants affichent «dans un endroit bien en vue» le prix de vente minimum estimé par la Régie de l'énergie.

Selon Richard Merlini, le gouvernement impose des «tracasseries» aux pétrolières. Le projet de loi est «farfelu» car il «soulève plus de questions que de réponses», notamment au sujet du système téléphonique que devrait mettre en place la Régie de l'énergie.

Et selon ce qu'a appris La Presse, la Régie n'est pas équipée pour traiter le flot d'appels téléphoniques qu'elle recevrait si le projet de loi était adopté.

Actuellement, le système mis en place par la Régie pour évaluer le prix quotidien implique le contact avec quelque 150 stations.

Certaines communiquent toutefois leur prix en groupe. Il y a aussi un relevé hebdomadaire qui, lui, se base sur les prix de 300 stations services.

Au bureau du ministre, l'attaché de presse Pascal D'Astous a indiqué que ce ne sont pas les 4000 stations-service du Québec qui devraient communiquer les variations de prix.

Cela pourrait se faire par un coordinateur régional pour chacune des pétrolières, ce qui réduirait le nombre d'appels à traiter.

Or, selon l'Association des indépendants du pétrole, quelque 1500 stations ont une grande marge de manoeuvre dans l'établissement des prix.

«On n'envisage pas de problème», a déclaré M. D'Astous, sans pouvoir chiffrer le nombre d'appels précis que devrait gérer la Régie. Du côté de la Régie, on a refusé de commenter le projet de loi sous prétexte qu'il est toujours à l'étude.

Gaby Mirza, du Centre Marquis Shell dans Hochelaga, est un de ces détaillants qui décide lui-même à quel moment il change le prix de son carburant. Des variations qui se produisent «trois ou quatre fois par semaine», explique-t-il.

Et que pense-t-il de l'idée d'appeler à la Régie chaque fois qu'il change ses prix? «Si on est obligé par une loi, on n'a pas le choix», laisse-t-il tomber.

Le CAA-Québec salue l'initiative du ministre Béchard, mais il trouve que la mise en application du projet de loi 41 pourrait être compliquée.

«On a bien hâte de voir les mesures, concrètement, ce que ça va donner», a souligné le porte-parole Philippe St-Pierre.

Mardi, quelques heures après le dépôt du projet de loi, le PQ a indiqué qu'il votera contre. Le projet de loi fera tout de même l'objet de consultations.