Cher, le plein d'essence? Les automobilistes n'ont encore rien vu, affirment des analystes.

Cher, le plein d'essence? Les automobilistes n'ont encore rien vu, affirment des analystes.

Malgré des prix déjà élevés, les réservoirs se vident deux fois plus vite que l'an dernier, les stocks sont à leur plus bas en deux décennies, et les pétrolières rappellent qu'aucune raffinerie n'a été construite aux États-Unis en trois décennies.

Dites bonjour à l'essence à 2 dollars.

En milieu de journée mardi, la station-service Esso de la rue Saint-Antoine, dans le Vieux-Montréal, était désertée par les automobilistes, qui ne voulaient probablement pas payer le prix affiché aux pompes, soit 1,239 $ pour un litre d'essence ordinaire.

Ailleurs à Montréal, le plein coûtait moins cher, soit 1,184 $ le litre, mais le prix de l'essence est à son niveau le plus élevé depuis l'ouragan Katrina en 2005. Quand même 10 à 12 cents de plus que la veille. Que s'est-il donc passé pendant la nuit de lundi à hier pour que les prix grimpent de 10 à 12 cents d'un coup?

Au CAA-Québec, où on suit le prix de l'essence au jour le jour, personne n'a été surpris par cette hausse soudaine des prix à la pompe. «Pendant toute la fin de semaine, les prix à la pompe ont été inférieurs au prix de gros, explique la porte-parole Roxanne Héroux. Malheureusement, à Montréal, ce genre de situation est souvent suivie par une hausse brutale».

Brutale et souvent trop élevée, selon elle. À 1,184 $ le prix à la pompe à Montréal, est de 2 cents de plus qu'il devrait être, compte tenu des prix de gros et de la marge moyenne des détaillants, estime le CAA-Québec.

Les prix jouent souvent au yo-yo à Montréal parce que les détaillants peuvent se permettre de vendre à perte pendant une journée ou deux. «Comme le volume d'essence est assez élevé, ils récupèrent leurs pertes rapidement», précise la porte-parole du CAA-Québec.

L'essence à près de 1,20 $ le litre le 1er mai, voilà qui augure plutôt mal à trois semaines du début officiel de la période privilégiée pour les déplacements en voiture, qui commence au Québec avec la Journée nationale des patriotes et la fête de la Reine ailleurs au Canada.

Compte tenu de la demande d'essence, qui se maintient malgré l'augmentation des prix, et de la capacité limitée de raffinage aux États-Unis, des observateurs américains estiment que le gallon d'essence ordinaire pourrait atteindre le niveau record de 4 $ US cet été, si la capacité de raffinage devait être réduite par des ouragans ou des pannes.

À 4 $US le gallon aux États-Unis, l'essence ordinaire approcherait les 2 $ le litre au Canada.

Mardi, le prix de l'essence ordinaire avait grimpé jusqu'à 1,28 $ à Vancouver, 1,13 $ à Toronto, et 1,03 $ à Calgary. À New York, l'essence coûte 3,29 $US le gallon (3,8 litres) et à Boston, entre 2,99 et 3,09 $US.

Ces prix ne seraient donc qu'un avant-goût de ce qui attend les automobilistes cet été. Possible, conviennent les observateurs interrogés mardi.

«On est à peine au début de la saison et déjà les stocks d'essence sont à des niveaux historiquement bas», constate Carol Montreuil, porte-parole de l'Institut canadien des produits pétroliers (ICPP), qui représentent les pétrolières actives au Canada.

Le ministère américain de l'Énergie doit faire état aujourd'hui (mercredi) des stocks d'essence et les analystes s'attendent à une nouvelle baisse, la douzième en autant de semaines.

Cette baisse des stocks est due à des problèmes dans les raffineries américaines, de même qu'aux ajustements de production que le raffineurs doivent faire en prévision de l'été.

Les importations d'essence, qui servent à satisfaire les besoins du marché dans ces cas-là, sont de moins en moins disponibles. Le problème c'est l'Asie, explique Louis Forget, le porte-parole d'Ultramar.

«Comme la demande asiatique est importante et vient d'être révisée à la hausse par l'Agence internationale de l'énergie, l'essence européenne s'en va vers l'Asie et c'est plus difficile et plus coûteux d'en avoir ici».

Pour les raffineurs comme Ultramar, l'offre réduite signifie des profits accrus. Sa compagnie mère Valero affiche au premier trimestre le profit net le plus élevé de son histoire, à 1,1 milliard $ US, en hausse de 35 %.

De tels profits sont généralement de nature à attirer les investissements dans de nouvelles capacités de raffinage. Au Canada seulement, quatre projets de raffineries refont périodiquement surface, à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et même en Ontario où Shell projette de construire de nouvelles installations de raffinage.

Il faut compter entre sept et huit ans pour amener un projet de ce genre à maturité, souligne Carol Montreuil, ce qui nous force à vivre encore un bout de temps avec une offre serrée de raffinage.

Le prix du brut, qui reste élevé, contribue aussi à maintenir le prix de l'essence au niveau actuel, selon le porte-parole de l'ICPP. Ce qui se passe en Iran et au Nigeria «continue à énerver la communauté internationale», précise-t-il.

Sur le front du pétrole brut comme sur celui des produits raffinés, rien n'annonce un soulagement pour les automobilistes. À moins de réduire leur consommation d'essence, ils devront payer plus cher pour aller travailler, faire les courses ou partir en vacances.

Au Canada, les chiffres les plus récents sur la consommation de carburant remontent à décembre 2006 et il est difficile de faire une corrélation entre la hausse récente des prix et les ventes d'essence.

Aux États-Unis, la consommation d'essence continue d'augmenter malgré les prix plus élevés. Comme l'essence ne compte que pour une petite partie des dépenses d'une famille américaine, il faudrait que les prix soient beaucoup plus élevés, soit autour de 6 $ US le gallon, pour changer le comportement des automobilistes, estiment les analystes.