C'est un tsunami de 10 000 transactions bancaires qui a permis à Vincent Lacroix de disperser et dépenser 115,3 M$ pigés frauduleusement dans les poches des investisseurs lorsqu'il dirigeait Norbourg.

C'est un tsunami de 10 000 transactions bancaires qui a permis à Vincent Lacroix de disperser et dépenser 115,3 M$ pigés frauduleusement dans les poches des investisseurs lorsqu'il dirigeait Norbourg.

Selon le témoignage du juricomptable François Filion, qui a enquêté au nom de l'Autorité des marchés financiers, les transactions ont eu lieu du 1er janvier 2000 au 25 août 2005, date des perquisitions contre Norbourg.

Comme il l'expliquait mardi devant le juge Claude Leblond, M. Filion a passé au peigne fin tous les relevés bancaires et documents sur lesquels il a pu mettre la main. Il a ensuite tracé sur papier un tableau affectueusement surnommé «la pieuvre» pour illustrer le stratagème de M. Lacroix.

Selon les données, l'argent injecté par les investisseurs et par Opvest (filiale de Desjardins qui porte maintenant le nom de Desjardins Gestion d'actifs) s'est retrouvé dans les mains du gardien de valeurs Northern Trust pour ensuite transiter par une foule d'intermédiaires.

En premier lieu, 137 retraits irréguliers ont eu lieu.

Environ 113,6 M$ ont circulé vers sept comptes bancaires de Norbourg International, Norbourg Gestion d'actifs et Norbourg Groupe Financier. Les comptes ont été abrités par des institutions telles que BMO, Desjardins, la Banque Royale et TD Waterhouse.

Les retraits ont été, règle générale, signés par M. Lacroix et un autre signataire autorisé, son cousin David Simoneau.

Environ 1,2 M$ ont été retournés à Northern Trust.

Les retraits devenaient plus importants avec le temps. Si 5 M$ ont été sortis en l'an 2000, 37,1 M$ ont été retirés en 2004 et 36,5 M$ ont été sortis lors des huit premiers mois de 2005.

Les 113,6 M$ qui ne sont pas retournés vers Northern Trust ont été dispersés vers 26 comptes bancaires appartenant à Vincent Lacroix ou aux entreprises se trouvant sous sa gouverne. Aux trois entreprises mentionnées plus haut s'ajoutent Placements Norbourg, Systèmes Financiers Nortek, Ascencia Capital, Société Immobilière Norbourg, Quatro Capital et Norbourg Capital.

François Filion a même identifié quels fonds auraient été siphonnés. Le «Hedgevest», spécialisé dans les produits de couverture, a été le plus touché avec 19 M$ de retraits.

Tous les «bénéficiaires» auxquels l'argent a été versé ont pu compter sur d'autres sources de revenus que les retraits. Trois investissements ont été effectués directement à partir de l'argent «gardé» par Northern Trust, dont deux ont ensuite été liquidés.

M. Lacroix a placé 800 000 $ par l'entremise de la compagnie Junex, 600 000 $ à travers Northstone Power Corporation et 300 000 $ chez Valeurs mobilières Desjardins. Il a misé ces sommes notamment sur des actions et des débentures.

Il a ensuite pu liquider ce qu'il avait placé chez Junex et Valeurs mobilières Desjardins pour 1,2 M$, afin de le renvoyer vers son réseau d'entreprises.

La dernière source d'argent a été intitulée «activités commerciales et autres». Elle a procuré 23 M$, que les témoins de l'Autorité des marchés financiers détailleront plus tard.

Une série de dépenses

Donc, environ 137 M$ ont circulé dans le réseau contrôlé par Vincent Lacroix. Il s'est servi de tous ces billets verts afin d'effectuer une pléiade d'acquisitions et de dépenses.

Avec 26 M$, il a pu acheter des sociétés comme Services financiers Tandem, Services Financiers Teraxis, les Fonds Evolution, Investpro et MCA Valeurs mobilières.

Il a aussi pu investir 13 M$ pour constituer des compagnies telles que Sports Hockey BLL.

Les sommes sont importantes mais la liste est loin d'être terminée.

M. Lacroix et ses entreprises ont investi 12 M$ dans le domaine immobilier, notamment pour acheter des maisons à des proches et pour miser sur l'immobilier commercial.

Il a pu consentir 6 M$ de prêts, entre autres à des compagnies ou à des employés. Il a aussi dépensé 5 M$ pour acquérir la clientèle de représentants et a utilisé 43 M$ pour payer des fournisseurs, consultants et employés.

Environ 11 M$ ont servi à acquitter des taxes de vente et à produire une divulgation volontaire de sa situation.

Parmi les autres sommes qui ont attiré l'attention, 6 M$ ont été envoyés à des «bénéficiaires inconnus» et 7 M$ ont fait l'objet de transactions diverses. Enfin, 5 M$ ont fait leur chemin jusqu'à des comptes «In Trust» de notaires ou d'avocats.

Un Lacroix songeur

Pendant que le témoin François Filion grattait la surface du stratagème et promettait davantage de détails de la part des témoins qui interviendront plus tard dans le procès, Vincent Lacroix se faisait silencieux. Il affichait un air songeur et prenait des notes.

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