Un an et demi après avoir quitté la tête de la Réserve fédérale américaine (Fed), Alan Greenspan n'en finit plus de faire de l'ombre à son successeur, accordant des entretiens à foison et publiant ses mémoires à la veille d'une réunion cruciale de la Fed.

Un an et demi après avoir quitté la tête de la Réserve fédérale américaine (Fed), Alan Greenspan n'en finit plus de faire de l'ombre à son successeur, accordant des entretiens à foison et publiant ses mémoires à la veille d'une réunion cruciale de la Fed.

The Age of Turbulences (l'âge des turbulences) sort en librairie le 17 septembre aux États-Unis. Celui qui a parfois été surnommé «l'Oracle» doit y raconter ses quelques vingt années passées à la tête d'une des plus puissantes institutions financières de la planète : du krach boursier d'octobre 1987 à la récession économique ayant suivi les attentats du 11 septembre 2001, en passant par l'éclatement de la bulle Internet.

Dans un blogue spécialement ouvert pour lui par le libraire en ligne Amazon.com, Alan Greenspan promet aussi d'en dire plus sur son enfance new-yorkaise, ses années de «musicien de jazz» ou ses relations avec les présidents américains.

«Après des années de "langage Fed" soigneusement calibré pour les témoignages au Congrès, je peux enfin faire entendre ma voix !», confie, avec un enthousiasme inhabituel, l'homme plus connu pour ses phrases alambiquées.

La sortie de ses mémoires intervient alors que l'institution qu'il a présidée doit tenir sa réunion la plus attendue depuis des années.

Mardi, les investisseurs du monde entier auront les yeux tournés vers la Fed, dans l'attente d'un geste pour contrer les effets de la crise des prêts hypothécaires à risques («subprime»).

L'enjeu est de taille : en août, l'économie américaine a détruit des emplois pour la première fois depuis quatre ans, et les économistes n'hésitent plus à parler de récession.

Or, la responsabilité de M. Greenspan dans la crise est de plus en plus pointée du doigt. En maintenant les taux d'intérêt trop bas trop longtemps, il aurait favorisé la création d'une bulle immobilière à l'origine des débordements actuels, estiment certains.

L'ancien gourou de Wall Street s'en est défendu lors d'un entretien à la chaîne américaine CBS, dont des extraits ont été publiés jeudi.

«Ils se trompent», répond-il à ses critiques. «C'était notre travail de dégeler le système bancaire américain si nous voulions que l'économie fonctionne. Cela nécessitait de maintenir les taux modérément bas».

M. Greenspan y rend même hommage à son successeur, Ben Bernanke, en estimant que ce dernier fait «un excellent travail».

Le problème, c'est que le bouillonnant Alan Greenspan ne s'en tient généralement pas à ces propos flatteurs. À 81 ans, il enchaîne les conférences (facturées 150 000 dollars chacune, selon la presse) et accumule les collaborations avec Pimco, la Deutsche Bank ou via sa firme «Greenspan Associates».

Et il n'en finit pas de distiller des commentaires sur l'économie américaine, à un rythme presque plus soutenu que son successeur. En prononçant le mot de «récession» à la fin de février, il contribuait ainsi à faire subir à Wall Street sa plus forte chute depuis septembre 2001.

Au début du mois, il comparaît la situation actuelle à celle régnant avant les crises boursières de 1987 ou de 1998, et Wall Street décrochait de près de 2%.

L'homme est coutumier du fait. Déjà en 1996, il avait fait trembler les courtiers en évoquant «l'exubérance irrationnelle des marchés».

Mais sa situation nouvelle devrait l'inciter à plus de réserve, estiment certains.

«Il devrait en dire moins», tranche Hugh Johnson, analyste chez Johnson Illington Advisors. «Il est très respecté et a tendance à faire bouger les investisseurs et quelqu'un qui est si important devrait faire très attention à ce qu'il dit».