Ne faisant plus confiance à Ronald Weinberg, le juge Jean-Yves Lalonde restreint significativement le budget que l'homme d'affaires pourra utiliser pour se défendre. Et pour la première fois, on évoque la possibilité d'une faillite pour le fondateur de Cinar.

Ne faisant plus confiance à Ronald Weinberg, le juge Jean-Yves Lalonde restreint significativement le budget que l'homme d'affaires pourra utiliser pour se défendre. Et pour la première fois, on évoque la possibilité d'une faillite pour le fondateur de Cinar.

Vendredi dernier, le juge Lalonde a accordé un budget de 250 000$ à Ronald Weinberg pour ses frais de défense futurs. Or, le procès de quatre mois qui s'annonce en février 2008 et les nombreux recours parallèles lui coûteront beaucoup plus.

«Après épuisement de cette somme, comme tout autre citoyen, Weinberg pourrait être admissible à l'aide juridique», écrit Jean-Yves Lalonde dans son jugement.

La Corporation Cinar réclame 116 millions de dollars au fondateur de l'entreprise, argent qui aurait été détourné entre 1995 et 2001 au détriment des petits actionnaires.

Cinar est cette maison de production de dessins animés de Montréal qui a produit la série Caillou.

Par le passé, explique le juge, Ronald Weinberg n'a pas utilisé les fonds disponibles à sa défense de manière judicieuse, en imposant de nombreux délais dans cette affaire.

Le fondateur de Weinberg doit donc être «sous surveillance», dit-il, et justifier dorénavant toutes ses dépenses pour se défendre à l'avance jusqu'à un maximum de 250 000$.

À plusieurs reprises dans son jugement, Jean-Yves Lalonde fait part de ses doutes sur l'homme d'affaires. L'historique du dossier depuis 2001 «démontre qu'il est pratiquement impossible de faire confiance à Weinberg (). Son mépris des ordonnances passées et les délais causés par son comportement en sont le baromètre», écrit le juge Lalonde.

En août 2005, Cinar a obtenu contre Weinberg une injonction exceptionnelle de type Mareva qui a pour effet de geler tous ses biens dans le monde.

Une telle injonction est adoptée lorsque le tribunal a acquis la conviction que celui qui y est assujetti fait des gestes malhonnêtes pour camoufler ses biens à l'abri d'un jugement éventuel.

En vertu de cette injonction, M. Weinberg ne peut faire de transaction sur ses biens à moins d'une autorisation de la Cour.

Or, malgré cette injonction, Weinberg a transféré dans un compte de Toronto 2,3 millions US de la Heath Bank des Bahamas, en décembre 2006 et janvier 2007. L'argent devait servir, selon sa défense, à payer ses honoraires professionnels.

Dénoncé par Cinar et en raison de l'injonction, Ronald Weinberg a ultérieurement demandé à la Cour de dégeler l'équivalent de 1,6 million de dollars pour ses frais de subsistance et ses frais d'avocats.

Avec cette somme, M. Weinberg voulait rembourser 50% de ses frais d'avocats impayés (328 167$) et des fonds empruntés à ses deux fils (444 000$) et à ses parents (235 000$US). Il demandait également 500 000$ pour ses frais de défense futurs et 22 935$ par mois pour subvenir à ses besoins.

Le juge n'a accepté de lui accorder que 600 000$. Mais cette somme doit principalement servir à rembourser ses frais passés (328 167$) et sa subsistance (39 000$ pour six mois).

«Ce qui laisse environ 250 000$ pour ses frais de défense futurs.»

Joint au téléphone, l'avocat de Ronald Weinberg, Jean Lozeau, a indiqué qu'il portera la décision en appel. Sur les 250 000$, Me Lozeau dit avoir déjà dépensé près de 100 000$ de frais ces derniers mois, et il ne reste donc plus que 150 000$ pour l'avenir.

«Je ne pourrai pas, pour la rentabilité de mon cabinet, continuer à défendre mon client avec un tel budget. Devra-t-il prendre un avocat à risque? Déclarer faillite? Je ne sais pas», dit Me Lozeau.

L'avocat de Cinar, William Brock, se dit satisfait du jugement, mais constate lui aussi qu'il est impossible de se rendre au bout du procès avec un tel budget de défense.

La faillite de Ronald Weinberg est donc évoquée. D'ailleurs, le juge Lalonde en fait mention dans le passage de son jugement qui concerne la réclamation de Revenu Québec contre Weinberg.

Ainsi, le juge accepte que le fisc ait un droit sur l'argent obtenu de la vente de la maison de Westmount et du chalet du lac Memphrémagog (4,8 millions). Toutefois, cette hypothèque légale "sera nulle si Ronald Weinberg fait faillite dans les trois mois du présent jugement".

Une faillite changerait passablement la suite des choses. Il reviendrait à un syndic de partager entre les créanciers les 5 millions de dollars d'actifs que Weinberg affirme détenir dans le monde. Et de s'assurer que d'autres fonds ne sont pas cachés. Parmi les créanciers figurerait la réclamation de 116 millions de Cinar, qui devrait être prouvée en Cour.