Au moins 40 % des entreprises du Québec vont changer de mains d'ici 10 ans, ce qui fait frémir un bon nombre de décideurs, de prêteurs et de travailleurs.

Au moins 40 % des entreprises du Québec vont changer de mains d'ici 10 ans, ce qui fait frémir un bon nombre de décideurs, de prêteurs et de travailleurs.

Le président et chef de l'exploitation de Desjardins Capital de risque, Louis L. Roquet, a souligné à La Presse Affaires que c'est «la première fois de l'histoire» que le Québec fait face à un transfert aussi massif d'entreprises, d'une valeur de dizaines de milliards.

De nouveaux propriétaires, souvent de l'étranger, vont ainsi décider du sort des centaines de milliers de travailleurs.

À partir de 1950, des générations se sont battues pour s'emparer du contrôle de l'économie du Québec, a noté le président. Voilà que les entrepreneurs vont prendre leur retraite, mais souvent la relève n'est pas prête.

Doit-on laisser faire? «Ce n'est pas vrai que tout ça va se faire tout seul» et c'est pourquoi Louis Roquet fait le tour du Québec, depuis janvier 2005, pour sensibiliser la communauté d'affaires et les professionnels de l'entreprise à la profonde mutation socioéconomique imminente.

On ne compte plus «les conférences et les séminaires sur le transfert d'entreprises, car c'est le sujet de l'heure. Les statistiques sont alarmantes».

Moins des deux tiers des PME familiales (95% des entreprises au Québec) ne survivent pas après l'arrivée de la deuxième génération et près de 90% disparaissent avec la troisième, a expliqué Louis Roquet, aussi président du conseil de la Fondation de l'entrepreneurship.

Plusieurs institutions, dont Desjardins, ont lancé des programmes sur la relève. Ce qui n'a pas empêcher des échecs retentissants en régions. «Honteux, les entrepreneurs n'en parlent pas, la communauté leur en veut», selon Louis Roquet.

Pourtant, «la première étape essentielle, c'est d'en parler. Les échecs proviennent de la gène d'en parler», selon lui.

Il y a le problème financier et fiscal, mais «c'est des pinottes». Le plus important, c'est l'aspect humain. L'entrepreneur doit se faire à l'idée et la relève, s'y préparer. Ça doit se planifier des années d'avance, mais en fait, ça ne se fait pas, dit-il.

«C'est une décision détestable à prendre pour l'entrepreneur, comme acheter de l'assurance-vie pour la succession ou mettre son enfant en adoption. Il ne connaît rien à ça, mais ce sera le transfert de sa vie. Par contre, le fondateur de la PME a toutes les raisons de remettre ça à plus tard, car il doit voir aujourd'hui son banquier, remplacer son bras droit qui a démissionné. En outre, quitter son entreprise, c'est comme un suicide professionnel», a lancé Louis Roquet.

En régions, si les sièges sociaux migrent à Montréal ou à New York, toute l'infrastructure des professionnels risque de disparaître. Des régions pourraient se vider, craint Louis Roquet.

Les conseillers et l'entourage de l'entrepreneur «doivent partir le processus du transfert. Quand un mentor s'en occupe, l'entreprise a deux fois plus de chance de survivre, selon une étude». Desjardins Capital et les caisses peuvent présenter une solution intégrée et créative», a conclu Louis Roquet.