Les blockbusters, ces médicaments qui vendent pour plus d'un milliard de dollars US par année, sont la vache à lait des grandes entreprises pharmaceutiques. Certains les considèrent comme une espèce en voie de disparition; d'autres jurent qu'ils continueront à faire la loi sur la planète pharma. Qui croire?

Les blockbusters, ces médicaments qui vendent pour plus d'un milliard de dollars US par année, sont la vache à lait des grandes entreprises pharmaceutiques. Certains les considèrent comme une espèce en voie de disparition; d'autres jurent qu'ils continueront à faire la loi sur la planète pharma. Qui croire?

Lipitor : 13 milliards de dollars US de ventes en 2005. Plavix : 6,35 milliards. Advair : 5,5 milliards. Voilà les chiffres qui font rêver les Pfizer, Merck et autres AstraZeneca de ce monde.

Or, depuis un certain temps, des prophètes de malheur annoncent la disparition de ces médicaments-vedettes. «Le modèle du blockbuster est en train de s'écrouler, écrit la firme américaine de consultants Spectrum dans un récent rapport intitulé Une industrie en crise : recherche désespérée de nouvelles solutions. L'innovation n'a jamais été aussi basse, et les entreprises sont incapables de renouveler leur portfolio de produits assez rapidement pour compenser l'érosion provoquée par l'industrie du générique», poursuit le groupe.

Certains signes, en effet, inquiètent. De 1990 à 2005, le nombre de nouveaux produits lancés sur le marché a diminué en moyenne de 1,4 % par année. Et l'industrie pharmaceutique a perdu, entre 2002 et 2005, 20 % de sa capitalisation boursière. Mais un mot, plus que tous les autres, promet de sonner le glas des médicaments-vedettes : la pharmacogénomique.

La pharmacogénomique est la science qui cherche à produire des médicaments intelligents administrés selon le profil génétique des patients. Une discipline émergente née d'un constat: nous réagissons tous différemment aux médicaments, à tel point que 100 000 patients meurent dans les hôpitaux américains chaque année à cause d'une réaction négative à l'un d'eux.

L'idée : donner des remèdes différents à des patients aux patrimoines génétiques différents, pour le plus grand bien des malades. Mais ce modèle du médicament sur mesure est bien loin de la bonne vieille formule «une même pilule pour tous», qui a permis aux entreprises pharmaceutiques d'écouler d'immenses quantités du même produit à travers le monde.

Des sceptiques

Est-ce la fin des blockbusters? Entre les murs des grandes pharmas, en tout cas, on affirme ne pas y croire. " Moi je pense qu'on va en vendre autant, sinon plus ", soutient Pierre MacNeil, directeur, politiques et remboursement, chez Merck Frosst. Pourquoi ? " À cause du vieillissement de la population dans les pays occidentaux, répond M. MacNeil. Et à cause de l'émergence des marchés asiatiques, où apparaît actuellement toute une classe de gens qui ont les moyens de se payer des médicaments et dont l'espérance de vie monte en flèche. "

Les chiffres, pour l'instant, lui donnent raison. Car même si le nombre de nouveaux produits lancés sur le marché est en diminution, les médicaments qui vendent pour un milliard de dollars annuellement, eux, sont sans cesse plus nombreux.

Pour Michel Leblanc, le problème en est un de définition. Oui, nous continuerons de voir des médicaments franchir le cap du milliard de dollars de ventes, dit le directeur des affaires publiques chez Génome Québec. Sauf que ce ne sera plus en les écoulant massivement sur le marché comme auparavant, mais bien en les vendant plus cher.

"On est dans un genre de quadrature du cercle où on va développer des médicaments de plus en plus dispendieux à produire, qui devront se vendre plus cher à moins d'individus parce qu'ils seront plus personnalisés et efficaces", soutient-il.

Or, en novembre dernier, un rapport de la firme Spectrum - celle-là même qui a aussi prédit l'écroulement du modèle des blockbusters dans un autre document - est venu brouiller les cartes encore davantage. À l'argument des médicaments spécialisés, l'auteur du rapport répond qu'on voit de plus en plus de cas où une même molécule est utilisée pour traiter plusieurs maladies. Le Viagra de Pfizer, par exemple, est maintenant autorisé pour traiter l'hypertension artérielle pulmonaire. Et deux médicaments issus de la pharmacogénomique censée mettre le clou dans le cercueil des blockbusters sont eux-mêmes devenus... des blockbusters. Une histoire, définitivement, à suivre.