Acheter un condo pour leur fils? Beau cadeau, direz-vous En fait, il s'agit plutôt de combler plusieurs besoins par une seule solution dont profiterait toute la famille. Dans la mesure où ce serait le cas, bien entendu.

Acheter un condo pour leur fils? Beau cadeau, direz-vous En fait, il s'agit plutôt de combler plusieurs besoins par une seule solution dont profiterait toute la famille. Dans la mesure où ce serait le cas, bien entendu.

C'est l'interrogation de Guylaine et Yvon.

Leur fils aîné vient de terminer ses études. Il paie un loyer de 1000$ pour son appartement montréalais. «C'est le prix d'un condo!» s'exclame sa mère, qui vit en banlieue.

Or, au moment de leur retraite, qu'ils espèrent dans un maximum de 10 ans, Guylaine et Yvon prévoient échanger leur propriété pour un condo de même valeur à Montréal.

Voici où se place leur réflexion: pourquoi ne pas acquérir ce condo dès maintenant et le louer à leur fils? «Ça ne nous coûterait à peu près rien, estime Guylaine: mon fils paierait l'équivalent de son loyer actuel.»

Ce fils gagne 50 000$ par année, comparativement aux 35 000$ et 45 000$ de Guylaine et Yvon. «Son emploi est stable, souligne sa mère, mais ne connaissant pas l'avenir, il hésite à acheter le condo lui-même pour le moment.»

Leur fille, qui étudie à l'UQAM, pourrait partager l'appartement.

Ce projet soulève pour le couple quatre questions à l'égard de la rentabilité du projet et de ses incidences fiscales.

Le planificateur financier Fernand Loiselle et ses collègues du Groupe Investors les ont abordées une à une.

Et de une

«Si notre fils nous paie un loyer, devrons-nous le déclarer à l'impôt?», demande d'abord Guylaine? Eh oui Les revenus de location sont généralement imposables, même s'ils proviennent d'un membre de la famille.

Et de deux

«Du point de vue fiscal, qu'arrivera-t-il lors de la vente de notre propriété si nous allons habiter le condo?»

Le gain en capital réalisé à l'occasion de la vente de la résidence principale n'est pas imposable, «à condition que votre propriété ait été votre résidence principale pendant chaque année où vous en étiez propriétaire», précise Marie-Claude Riendeau, directrice générale, Fiscalité et planification successorale.

Et de trois

«Quel serait l'impact fiscal si, au moment de la vente de notre propriété, nous changions d'idée et vendions en même temps notre condo?», s'enquiert encore Guylaine.

«Selon certaines interprétations des autorités fiscales, répond Mme Riendeau, il semblerait que le gain en capital à la vente de cette seconde propriété puisse bénéficier de l'exemption pour résidence principale pour chacune des années durant lesquelles vos enfants l'ont occupée.»

Mais on ne peut gagner sur tous les tableaux: pour une année donnée, on ne peut désigner, entre la maison et le condo, qu'une seule résidence principale.

Et de quatre

«Est-ce un placement trop risqué?», s'interroge enfin le couple.

C'est ici que ça accroche. Guylaine possède des placements REER de 32 000$, et des droits de cotisation inutilisés d'environ 18 000$. Yvon n'a aucun REER et a accumulé des droits inutilisés de 12 000$, mais il bénéficie d'un régime de retraite complémentaire qui lui vaudra à la retraite une rente annuelle de 25 000$.

Ils ont également des liquidités et des placements non enregistrés totalisant 40 000$.

«Leur propriété de 250 000$ constitue le coeur de leurs avoirs, soit 75% de leur actif, excluant autos et meubles», constate Fernand Loiselle.

Selon le projet du couple, ces 40 000$ seraient appliqués à la mise de fonds dans un condo de 250 000$, de même valeur que leur maison.

L'emprunt de 210 000$, amorti sur 25 ans, entraînerait des mensualités hypothécaires d'environ 1400$. Sans même compter les taxes foncières et les charges de copropriété, les mensualités dépassent largement le loyer de 1000$ que leur fils serait appelé à verser.

En outre, énonce M. Loiselle, «l'achat du condo ne ferait qu'augmenter la concentration en actifs immobiliers, soit jusqu'à environ 91% de leurs actifs».

Cette concentration rendrait le couple particulièrement vulnérable à un ralentissement, voire une régression, du marché immobilier, dont on voit les effets aux États-Unis.

«Considérant que le couple déclare une tolérance au risque moyenne, cette stratégie s'avère trop risquée», estime le planificateur. Il recommande plutôt de n'effectuer l'achat du condo qu'après la vente de leur propriété actuelle.

Par ailleurs, la décision ne peut être prise sans considérer le tableau plus vaste de la planification de la retraite. Yvon veut prendre la sienne dans cinq ans, à 62 ans, et Guylaine vise 60 ans, dans 10 ans.

Caroline Gervais, du Service de planification financière avancée, a fait des projections en supposant que le couple maintiendrait alors des dépenses correspondant à 70% de ses revenus nets actuels.

Dans l'hypothèse de l'achat immédiat d'un condo pour son fils et de la vente de lesa propriété au moment de s'engager dans la retraite, ses calculs montrent que le couple ferait face à un déficit en 2036, une dizaine d'années avant que Guylaine n'atteigne l'âge cible de 90 ans.

Deuxième projection: le couple utiliserait immédiatement ses 40 000$ de liquidités pour combler les droits de cotisations REER inutilisés, et maintiendrait ensuite cette discipline jusqu'à la retraite. Cette fois, les épargnes des conjoints les mènent jusqu'à 90 ans.

Mieux vaut laisser fiston se débrouiller

LE PROJET

Le fils de Guylaine et Yvon paie un loyer mensuel de 1000$ pour son appartement montréalais. À sa retraite, le couple prévoit vendre sa maison de banlieue et acheter un condo urbain.

Est-ce une bonne idée d'acheter ce condo immédiatement pour le louer à son fils ?

LES CHIFFRES

Guylaine

Âge: 50 ans

Revenu: 35 000$

REER: 32 000$

Aucun régime complémentaire de retraite

Yvon

Âge: 57 ans

Revenu: 45 000$

REER: aucun

Régime complémentaire de retraite: rente de 25 000$/an

Aucune dette

Maison d'une valeur de 25 0000$, libre d'hypothèque Liquidités et placements non enregistrés : 40 000$

LE CONSTAT

En achetant immédiatement ce condo, le couple concentrerait une trop grande part de ses actifs dans l'immobilier.

Au surplus, les 40 000$ dévolus à la mise de fonds seraient plus profitables à leur retraite s'ils servaient à combler les droits de cotisation inutilisés.