Les tenants d'une commission des valeurs mobilières pancanadienne s'appuient sur de nombreux «mythes»: l'un des plus souvent répétés est celui qu'il faudrait imiter les États-Unis et leur gendarme de la Bourse unique, la Securities and Exchange Commission (SEC), affirme Jean-Marc Suret, chercheur et professeur à l'École de comptabilité de l'Université Laval.

Les tenants d'une commission des valeurs mobilières pancanadienne s'appuient sur de nombreux «mythes»: l'un des plus souvent répétés est celui qu'il faudrait imiter les États-Unis et leur gendarme de la Bourse unique, la Securities and Exchange Commission (SEC), affirme Jean-Marc Suret, chercheur et professeur à l'École de comptabilité de l'Université Laval.

Or, justement, la SEC est loin d'avoir un monopole de la lutte contre la fraude financière ni de l'application des lois sur les valeurs mobilières, dit M. Suret.

«Il y a une foule d'organismes qui agissent en concurrence et en complémentarité de la SEC aux États-Unis, tant et si bien que la SEC est responsable de 9,7% des poursuites, et 24,6% pour les sanctions monétaires dans les cas de fraude financières aux États-Unis.»

Qui fait le reste? «Les États et le département fédéral de la Justice. Nombre de grosses poursuites, comme celle qui a été faite contre Merryll Lynch, viennent de l'État de New York.»

Selon M. Suret, les statistiques américaines montrent que les CVM (commissions de valeurs mobilières) d'États et le département fédéral de la Justice, ensemble sont responsables de 24% des poursuites et 22% des sanctions monétaires.

«Ensuite, il y a les enquêtes et les actions judiciaires menées par la Bourse de New York, la Bourse Nasdaq et d'autres grands parquets. Elles ont un rôle très important.»

M. Suret note aussi que la loi américaine donne un rôle considérable au investisseurs privés.

«Il y a un ensemble de pénalités qui sont obtenues privément, directement par les particuliers, c'est un private enforcement de la loi qui pèse très lourd aux États-Unis et qui n'est absolument pas présent au Canada.»

Lacunes

Si on cherche des lacunes à combler du côté fédéral, M. Suret suggère d'examiner aussi l'application par la police fédérale du Code criminel aux délits boursiers et financiers.

«Le département de la Justice a deux équipes spécialisées, une assez ancienne, l'autre créée dans la foulée des affaires comme Enron. Elles regroupent des gens des divers ministères, des commissions de valeurs etc.»

Ces équipes américaines ont inspiré ce que le gouvernement fédéral canadien a essayé «très timidement» de mettre en place ici, les Équipes intégrées de la Police (fédérale) des marchés financiers (EI-PMF), dit M. Suret.

«Au Canada, on a un retard considérable là-dedans, ça a été fait très tardivement et ça ne marche toujours pas», notamment parce que les ÉI-PMF sont très sous-financées et que la réglementation canadienne sur la preuve est inadéquate et devrait être changée.

M. Suret remet en question le discours qui émane de l'Ontario, contre l'harmonisation des CVM provinciales, et pour la centralisation par la création d'une agence fédérale: «Les arguments qui sont mis de l'avant ne sont pas très forts.»

Pas rationnel

Ce martèlement d'arguments qui ne sont pas fondés fait »que ça devient difficile d'avoir un débat rationnel».

«On se résume à ce que les individus, les acteurs du marché, pensent, et évidemment, il y a des intérêts, il y a le courtage (torontois) qui est derrière. Mais je ne vois rien dans leur proposition qui pourrait favoriser les entreprises canadiennes. Et c'est quand même ça l'objectif.»

Déjà, en 2003, dans une étude réalisée pour l'ancienne Commission des valeurs mobilières du Québec, M. Suret parlait même de «mythes» pour décrire les justifications d'une CVM pancanadienne.

Outre la description inexacte du rôle de la SEC aux États-Unis, M. Suret conteste l'affirmation selon laquelle il est difficile pour les petites entreprises de se financer au Canada.

«C'est faux. Le marché canadien est le plus ouvert au monde pour les petites et moyennes entreprises. Il y a 70% des entreprises canadiennes qui entrent en Bourse qui ne font pas de bénéfice et il y en a même 45% qui n'ont pas de revenus. Il n'y a aucun autre pays qui a ça.»

Que dire d'un autre argument souvent entendu, que le coût du financement, qui serait plus élevé au Canada qu'aux États-Unis?

«Il y a eu environ une douzaine d'études à ce sujet, la moitié va dans un sens, la moitié dans l'autre, et les écarts sont extrêmement minimes, dit M. Suret. Il n'y a pas de preuve que c'est plus cher ici, et encore moins de preuve que ce soit dû à la réglementation.»