Il y a six ingénieurs en pétrochimie et 25 techniciens formés au collégial parmi les 40 employés de l'usine de polystyrène Nova Chemicals, dans l'est de Montréal.

Il y a six ingénieurs en pétrochimie et 25 techniciens formés au collégial parmi les 40 employés de l'usine de polystyrène Nova Chemicals, dans l'est de Montréal.

Tous sont assez instruits pour avoir compris d'avance la triple menace qui venait de la concurrence chinoise, de la hausse de notre dollar et des restructurations massives qui secouent tout ce sous-secteur de la pétrochimie mondiale.

Malgré cela, la nouvelle de la fermeture, hier matin, est tombée comme une sentence.

«C'est comme dans un salon funéraire, ici, aujourd'hui», a dit mercredi le directeur, Robert Boutin, qui a lancé l'usine à son ouverture en 1980 et qui l'a dirigée durant 22 de ses 27 années d'exploitation.

«Plusieurs de nos gens ont plus de 20 ans d'expérience. La plupart sont très qualifiés et ont de bonnes chances de se replacer dans l'industrie pétrochimique; mais quand même, c'est très dur», a dit M. Boutin.

M. Boutin était triste, mais aucunement surpris. «Ici, on fabrique ce qu'on appelle du polystyrène-choc, qui sert à mouler de la coutellerie de plastique, des pièces de pompes de piscine, de douches, d'imprimantes ou de machinerie de toute sorte.»

«La demande est à la baisse depuis 10 ans. Les clients qui utilisent notre produit ont déménagé leurs activités en Asie. De plus en plus, le polystyrène arrive ici en produits finis, sur nos étagères. Nos clients industriels qui travaillaient nos résines à Montréal, à Toronto, aux États-Unis, ils ont fermé», dit M. Boutin.

Et d'autres usines de polystyrène ont ouvert en Chine, en Inde et ailleurs en Asie, au sein des complexes pétrochimiques récemment construits pour alimenter la production industrielle à bas coût.

Résultat, l'entreprise -et tous ses concurrentes en Amérique du Nord et en Europe- ont plus de capacité que de demande.

«Nova Chemicals perd de l'argent depuis cinq ans avec le polystyrène», dit M. Boutin. Ces pertes ont atteint 13 millions US juste pour le semestre qui s'est terminé le 30 juin dernier.

Cette surcapacité sur deux continents donne lieu à des mariages transatlantiques forcés dans tout le secteur pour couper la capacité, consolider les restes et réduire les firmes à des tailles rentables.

Il y a 11 jours, la canado-américaine Nova et l'anglaise Ineos ont fusionné leurs activités dans ce secteur, avec l'objectif de réduire leurs dépenses de 50 millions US par année. L'américaine Dow Chemicals et la franco-belge TotalFina vont imiter leur démarche bientôt.

Ineos-Nova, nouveau nom du propriétaire de l'usine de Montréal, affirme que cette fermeture permet de réaliser 10% de la rationalisation prévue. Ce qui veut dire que les salariés des quatre autres usines d'Ineos-Nova (toutes aux États-Unis) vont continuer à mal dormir tant qu'il n'y aura plus de courtes pailles à tirer.

Pourquoi fermer l'usine de Montréal la première? À 55 000 tonnes par année, elle est, de loin, la plus petite des cinq d'Ineos Nova en Amérique du Nord (capacité annuelle totale: 1,4 million de tonnes, dont 320 000 tonnes à la plus grande usine).

Et curieusement, c'est un effet tardif du libre-échange. Comme beaucoup d'usines pétrochimiques canadiennes, l'usine de polystyrène de Montréal a été construite (en 1980) avant le traité de libre-échange avec les États-Unis entré en vigueur en 1989.

Ces usines alimentaient le petit marché canadien et étaient des naines en comparaison de celles construites aux États-Unis à l'époque et depuis.

«Aucune des usines américaine ne tourne au maximum et elles n'auront qu'à augmenter leur production de 5 ou 6% chacune pour absorber les 55 000 tonnes par année de l'usine montréalaise», dit M. Boutin.